Le fort Driant

By thanksGIs
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Cette étude comporte 8 parties
1 L’origine et l’armement du fort de 1900 à 1943 + une annexe sur les « Festen » de 1899 à 1914
2 Le Fort en 1944
 3 La Batterie Moselle
4 La bataille du Fort (Sept. à Déc. 1944) au jour le jour
5 Les images d’archives US (1944 et 1945)
 6 Les témoignages 
7 Les armes US utilisées au Fort
8 Le Fort à l’état actuel (photos de 1985)

1 Origine et armement : 1899 – 1918

Après la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne de 1870-71 et l’absorption des provinces de l’Alsace et de Lorraine dans le nouvel Empire Allemand ainsi créé, l’armée allemande a décidé de construire une ligne de forteresses de Strasbourg au Luxembourg pour protéger leur territoire.
Le point central de cette ligne fut le grand Moselstellung (Moselle position) de Metz / Thionville et en particulier les deux ceintures de protection de la ville de Metz.
Le fort Driant a été construit de 1899 à 1905 et son nom était alors « Feste Kronprinz »

Situé au Sud-Ouest de Metz (10km), à proximité d’Ars sur Moselle, il fait partie de la deuxième ceinture de défense de la ville de Metz.
Edifié sur un éperon rocheux au dessus d’Ancy sur Moselle, il domine la Moselle à 190 m de hauteur et sa mission principale était de s’opposer à une offensive française venant de la région de Mars la Tour, Chambley et Gorze ainsi que le sud de la vallée de la Moselle.
Son artillerie était dirigée dans ces directions.

Avant 1918, il portait pour les français, le nom d’Ouvrages de Gorgimont.
Les allemands ont procédé à une modification de renforcement de 1914 à 1916.
La mission de défense de la vallée de la Moselle était plus particulièrement destinée à l’annexe du G.F. : la Batterie Moselle située en contre-bas du Fort (2 canons de 105mm) ainsi que du G.F Verdun (Feste Haeseler)

Cliquez sur la carte ci-dessous pour visualiser un autre plan des fortifications de Metz 
(Format PDF)    (Source ADFM)

Le plan du fort .(origine US)
A droite en bas : la batterie Moselle

Le Fort n’est pas qu’un seul bâtiment mais comme toutes les fortifications construites à la même époque, il s’agit d’un certain nombre d’éléments implantés sur le terrain.

Il donne pour 3 de ses 4 faces sur des pentes abruptes qui constituent un obstacle naturel.
La seule voie possible, en dehors de la route, pour une attaque de l’ensemble, est la voie ouverte du plateau. Les constructeurs y avait pensé car cette voie est protégée par un puissant ouvrage d’infanterie.

L’artillerie est disposée sur les 4 batteries cuirassées alignées du Nord au Sud (L,M,N,O et P) . Une batterie mesure 60 m de long et abrite 3 tourelles modèle « Schumann » . Les 2 batteries Nord et Sud (L et P) sont équipées en obusiers de 150 mm, les 2 centrales (M et O) avec des canons de 100 mm. La batterie M dans le champ de vision d’un éventuel attaquant dispose de canons courts renforcés. La O possède des tubes longs normaux.

4 Batteries Annexe en assuraient la défense dont la Batterie Moselle (2 canons de 105 longs) qui avait vue directe sur la Moselle et le village de Dornot.

Le G.F. est aussi constitué de 6 casernes dispersées pour un effectif de 1800 hommes et plus de 870 m de galeries souterraines (certains affirment 1500m) parfois à des profondeurs de 8 à 11 m, reliant les différents ouvrages secondaires tels que des « points d’appuis » (appelés Abri de piquets) pour les combats d’infanterie et permettant aux groupes de combats de s’abriter pendant les bombardements.

Les casernements sont situés sur la face Ouest et protégés par une large douve(fossé).

Le casernement central (Hauptkaserne) est sur le point culminant de la hauteur et il protège les batteries d’artillerie. De forme trapèzoïdal, il mesure 250 m de long pour 110 m de large. C’est le « cerveau » du G.F. Il abritele poste de commandement, la source d’énergie, les communications, l’hôpital, et l’essentiel de la garnison. Au sommet se trouvent un lance mines (coté Nord), deux observatoires tournants et 5 fixes.

Pour le confort des troupes, le casernement dispose de dortoirs, cuisines, magasins divers, mais aussi une boulangerie, une infirmerie, 2 usines électromécaniques pour la production d’électricité sans oublier une réserve d’eau de plus de 4500 m3.

De nombreuses guérites blindées, des ceintures de tranchées bétonnées avec abris, des bunkers d’observation avec cloche pour lunettes binoculaires, des emplacements bétonnés pour mitrailleuses, complètent le dispostif de défense. Les galeries débouchent aussi sur des passages et des sorties camouflées.

Les soldats peuvent ainsi se déplacer d’un endroit à un autre sans sortir, en restant à l’abri et de façon invisible pour un observateur extérieur.

Les différents bâtiments blindés sont très bien conçus et fabriqués avec des matériaux de qualité. Les bunkers 3 et 4 par exemple :Ce sont des blocs de béton armés formant 2 étages. les murs sont épais de plus d’1m20. Seul le toit effleure le sol. les murs arrières sont accessibles par une tranchée large et profonde. Les ouvertures (portes) sont toutes blindées et protégées par de hautes palissades d’acier.

Le tout étant protégé par des hectares de réseaux de fils de fer barbelés de 20 à 25 m de large. Chaque ouvrage ayant en plus son propre réseau.

L’ensemble occupant une superficie totale de 223 hectares dont 142 pour le fort lui même.

Le seul chemin d’accès est une petite route, fort sinueuse, qui débouche à Ars près du ravin d’un petit ruisseau : la Mance. Cette route est défendue par 2 blockhaus et par un imposant portail portant l’inscription du nom du fort : Feste Kronprinz


Ci-dessus : La construction de la monumentale porte d’entrée du fort
Source : DFFV 2006

Pour le défendre, le Fort Driant pouvait compter sur le Fort Jeanne d’Arc (Feste Kaiserin) à l’Est de Gravelotte et sur le Fort Marival situé de l’autre côté de la Mance.
Le ravin de la Mance, déja rendu célèbre par des batailles de la guerre de 1870, était protégé par les ouvrages de Bois la Dame.

1918 – 1939

Redevenu français en 1918, il est baptisé « Driant » du nom du lieutenant-colonel tombé à Verdun, le 22 février 1916, au bois des Caures.

     

Copie du rapport du Commandement Supérieur de la Défense des Places du groupe de Metz et adressé au Général Commandant Supérieur de la Défense
Daté du 4 Septembre 1928 et faisant part de l’état du « Groupe Fortifié DRIANT » -le vrai nom de l’ensemble appelé à tort Fort Driant.
Pour des raisons de commodité, c’est ce dernier nom qui est utilisé ici.

En 1943 : l’ usine d’aviation VDM au Fort – DRIANT .

Lorsque fin janvier 1943 , à la conférence de Casablanca , le haut commandement alliés prend la décision de lancer une offensive aérienne systématique contre les grands centres de productions industrielles du 3 ème Reich, l’industrie aéronautique allemande est classée en seconde place dans l’ordre des priorités de destruction.

C’est ainsi que du 1er janvier au 31 décembre 1943 , 135 000 tonnes de bombes ravagent les usines allemandes , obligeant le ministre de l’industrie et de l’armement , Albert SPEER , à décentraliser les grands complexes de productions , indispensables pour poursuivre l’effort de guerre .

La société VDM ou Vereinigten Deustchen Metallwerke ( Société de fabrication mécanique ) dont le siége est à Francfort -sur -Main , est obligée de répartir sa production sur différents sites en territoires occupés , notamment à WOIPPY où elle occupe 2 halles d’une usine de construction de moteurs d’avion. Mais pas à l’abri d’un bombardement , puisqu’elle est touchée lors d’un raid mené par les bombardiers US le 27 mai 1944,ses dirigeants décident alors de trouver un endroit plus sûr pour leur outil de production et ils se tournent vers les forts de Metz dont les casemates et les abris bétonnés à l’épreuve des bombes semblent l’idéal en matière de protection. De plus , dotés d’une excellente infrastructure routière qui permettait l’écoulement de la production vers le 3 ème Reich, ils prennent donc la décision de transférer toutes les machines-outils ainsi que tous les travailleurs forcés vers les forts et notamment vers le FORT -DRIANT .

Le transfert des installations se déroule sans problèmes particulier ,car facilité par un réseau routier qui mène au centre du complexe fortifié. De plus l’électricité nécessaire est fournie par les groupes électrogènes du Fort .Il est décidé d’installer les machines-outils dans les casernes car on pouvait les rentrer par les grandes portes d’accès et les grandes chambrées étaient parfaites pour leurs mises en place . Mais on doit quand même élargir quelques couloirs et percer quelques murs pour leurs passages. Les batteries servent quand à elles de lieu de stockage. De plus on dispose des grands baraquements situés le long de la route menant au fort pour loger les ouvriers et les ouvrières .

La production commençe rapidement .Elle consiste à fabriquer et usiner les pièces nécessaires à la confection des système de ‘’pas -variable d’hélices’’ pour les avions MESSERSMITH et FOCKE- WULF. (La société VDM est spécialiste dans ce domaine très pointu ). Mais toute une large gamme de pièces en alliage léger , toujours pour l’aviation, est également produite.
L’usine n’assure pas seulement la fabrication des pièces mécaniques. Une chaîne de montage assemble les différents éléments entre eux, ce qui permet de fournir les grands constructeurs d’avions en équipements aéronautiques finis et contrôlés (chaque pièce sortant du fort avait un N° de contrôle).

Mais devant l’avance des troupes de l’armée PATTON , il devient évident que l’usine ne peut être conservée.

Les dirigeants envisagent de déménager une nouvelle fois les machines -outils mais devant le chaos engendré par la débâcle allemande et le manque de moyens de transport , ils abandonnent purement et simplement le Fort en laissant les machines en l’état ainsi que de nombreuses pièces en cours de fabrication .

Lorsque le fort tombe finalement aux mains des Gis du 2 ème Régiment d’Infanterie en décembre 1944, ceux ci découvrent avec étonnement et curiosité toute l’étendue de l’usine et en 1945 les autorités françaises décident de récupérer tout l’outillage et les machines – outils présents au FORT- DRIANT ce qui est accompli par des prisonniers allemands sous la garde de militaires français. Les pièces mécaniques qui n’avaient pu être expédiées vers l’Allemagne servirent à combler les chemins ou à boucher les nombreux trous d’obus .

Mais nous ne pouvons conclure , sans évoquer le destin tragique de ces centaines de ‘’travailleurs forcés’’, pour la plupart des femmes originaires des pays de l’Est qui furent exploitées dans les usines allemandes. Travailleuses déportées dans un pays qu’elles ne connaissaient pas , elles durent subir privations et humiliations.

Travaillant sans relâche , dans des conditions déplorables ,privées de soins , de nourritures et d’hygiène élémentaire tout cela sous le joug des gardes allemands qui les méprisaient,
Nombres d’anciens Arsois se souviennent encore de cette longue colonne de prisonnières qui descendaient par la route du FORT- DRIANT encadrées par les sbires Nazis pour aller travailler à la Boulonnerie , où malgré les risques encourus certains ouvriers et ouvrières n’hésitaient pas à partager leurs ‘ ’ casse- croûte’ ’ avec elles .
Ne les oublions pas.

Pièces réalisées dans l’usine VDM installée dans le Fort Driand en 1943.
Ces pièces proviennent de fouilles et de recherches dans le Fort
Collection privée R.M.

2 En 1944

Le fort est la clé de tout le système fortifié de la Moselle.
Avec lui, toute attaque venant du sud en longeant la Moselle devait être impossible.

Mais il est fortement désarmé : seules 3 compagnies de « Fahnenjunker » le défendent pour un effectif (estimé) de 250 hommes.
Metz était loin du front, des prélèvements de matériel comme des canons et surtout des appareils optiques, ont été effectués.

Driant est prioritaire avec d’autres Forts situés à l’Ouest. Ces Forts sont, en effet, les mieux placés pour fermer les axes de l’avancée américaine. Aidés de spécialistes civils venus de la Sarre, les allemands réequipent progressivement les 26 pièces sous coupolle de Driant et de Jeanne d’Ars. A cet effet, des tubes sont même récupérés au Musée de la Forteresse de Metz.
Par contre, le matériel optique fait défaut. Il n’y a plus de tables de tir et ces derniers devront être réglés par des observations directes.
De plus, le système de ventilation pose problème et on n’arrive pas à le remettre en marche.
Les munitions disponibles sont d’origine et les artilleurs s’en méfient : ils craignent un manque de fiabilité.

Les troupes : Le Général Knause, nommé le 2 Septembre 1944 comme commandant de la Forteresse de Metz, organise les troupes disponibles.
La Fahnenjunker Regiment, composée des élèves officiers de l’école de Metz est mise sur pied et sera affectée à Driant. Elle sera secondée par un autre régiment crée avec les élèves de l’Ecole des Sous-Officiers de la XIIème Région militaire et un bataillon composé du personnel de l’Ecole SS des transmissions.
Ces soldats, tous issus des écoles messines, se sont régulièrement entrainés dans les Forts et connaissent bien les lieux. Certains sont même des vérérans expérimentés du front russe.
De plus des unités en retraite du front de l’Ouest sont intégrées à la garnison du Fort. En particulier le 1010ème Régiment de Sécurité et le 938ème Régiment d’Artillerie Côtière.

L’attaque coutera 64 tués, 547 blessés et 187 portés disparus. (voir le détail jour par jour des batailles)
Le fort ne tombera qu’en décembre 44, les allemands se rendant faute de nourriture.

Ci-dessus : vue aérienne du fort en 1944 par un avion de reconnaissance.

Ci dessous : une autre vue du fort. Cette photo est attribuée au général Patton lui même


Ci dessus : Canon de 100 mm sur la Batterie D du Fort


Ci dessus : Canon en action

Source ADFM

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