Les témoignages

By thanksGIs
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Claude Hembree

Sergent d’infanterie au Bois du Fer à Cheval

 » Surtout ne hurlez pas si vous êtes touchés, sinon l’ennemi va vous repérer à coup sur !
Et les hommes de s’éxécuter…  »

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Charles B. Josephson

Sergent d’infanterie à la tête de pont de Dornot

A Corny, un jour où je courais pour relever quelques-uns de mes hommes qui étaient en poste avancé sur le bord de la rivière, un sniper me tira dessus et je tombai dans la Moselle. La balle m’avait traversé le bras et le dos. Je fus ramené par un infirmier sur la rive, puis évacué vers un hôpital de campagne. Ce fut mon dernier combat en France, mes blessures étant très graves, je fus rapatrié en Angleterre, puis aux Etats-Unis, après 13 mois d’hospitalisation.

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Kelley B. Lemmon

Lt Colonel à la tête de pont de Dornot

L’opération de la traversée de la Moselle à Dornot et les événements qui suivirent font partie des souvenirs les plus douloureux de ma carrière.

Témoignage du Général Kelley B. LEMMON, Lt Colonel commandant le 2ème Bataillon du 11ème Régiment à Dornot en septembre 1944.

« Le Bois du Fer à Cheval a vu couler beaucoup d’eau depuis que le 2ème Bataillon y vécut des heures tragiques il y a 60 ans.
Mon souvenir le plus fort de Dornot est l’incroyable courage, l’altruisme, le dévouement, le sens du devoir et le souci les uns des autres dont firent preuve les héroïques jeunes hommes du 2ème Bataillon et de leurs unités de support qui tous se battirent sur les deux rives tellement dangereuses de la Moselle. Yuill, Irwin, Walker, Patton, Bradley et Eisenhower ont tous disparu. Je reste donc le seul survivant de cette chaîne de commandement.
Aujourd’hui les vétérans du 2ème Bataillon restent extrêmement fiers de ce qu’ils ont fait ici. Je sais qu’aucun d’eux n’a de regrets. Malheureusement le moule dans lequel ces hommes ont été conçus est définitivement cassé. Comme je m’en suis rapidement rendu compte à l’époque, nous ne nous sommes pas retrouvés à Dornot suite à un vrai plan concerté, mais plutôt à cause d’un accident de communication. Croyant que le 23ème Bataillon de la 7ème Division Blindée avait réussi à traverser la Moselle à 2kms en aval de Dornot, le Général Walker ordonna l’exploitation de l’opération de Dornot. S’il n’y avait pas eu cette incroyable interférence dans les ordres du CCB, mon 2ème Bataillon aurait du se trouver de l’autre côté de la rivière avant l’aube, bénéficiant ainsi de l’effet de surprise. Ainsi, en admettent qu’une autre tête de pont ait été en place 2kms au nord, la suite de la bataille aurait pu prendre une toute autre tournure.
Mais l’inopportune attente à Dornot fut simplement débile et injuste pour les troupes prêtes à s’engager avec l’ennemi. Nous étions là en plein dans le problème des commandeurs qui parlent pendant que les hommes de troupes subissent le terrain.
Au milieu de la matinée, la raison l’avait emporté.
Ayant échoué dans sa tentative d’ouvrir le show avec les ressources du 11ème Régiment, le CCB reçut l’ordre de détacher le 23ème Bataillon d’Infanterie Blindée pour nettoyer les alentours de Dornot. Miséricordieusement, la confusion disparut avec eux. Les opérations purent reprendre, mais avec un petit ajustement apporté au plan initial décidé le soir précédent au poste de commandement du Régiment. Afin de simplifier les choses, j’autorisais les hommes du 23ème Bataillon à finalement traverser avec nous, afin qu’ils puissent ensuite atteindre leur objectif situé vers Jouy.
Mais je commençais à être de plus en plus inquiet du vide d’informations sur l’ennemi. Beaucoup de choses s’étaient déjà très mal passées, rien n’évoluait comme je le voulais, rien ne sonnait juste.
Mon trouble ne fit que s’accentuer quand le 23ème, qui avait traversé 48 hommes et son groupe de commandement avancé, me demanda de le relever de sa mission. Mais il était impossible qu’ils quittent la tête de pont, et je ne pouvais strictement rien faire pour eux. Je ne sais toujours pas aujourd’hui où ils étaient exactement, et où peuvent se trouver leurs soldats portés disparus. Et je pense que j’étais sûrement trop écoeuré à l’époque pour m’en soucier.
L’ironie de la situation ne m’échappait pas. Ces soldats du 23ème étaient les mêmes éléments qui avaient soi-disant traversé la Moselle le jour précédent, ayant établi une soi-disant tête de pont que nous aurions du exploiter. La réalité était que notre flanc droit était totalement ouvert.
La loi de Murphy, disant que quand les choses commencent à aller mal, elles vont progressivement de plus en plus mal, s’imposait peu à peu. L’assaut de mon 2ème Bataillon échoua sur les hauteurs. Le Fort Saint-Blaise fut découvert partiellement occupé et imprenable. Une artillerie hostile et deux contre-attaques simultanées sur nos deux flancs exposés nous forcèrent à nous replier dans le Bois du Fer à Cheval.
Notre artillerie de support avait du être réduite à cause d’un manque temporaire de munitions. Notre artillerie défensive réussit néanmoins à faire tenir la tête de pont. Le support aérien n’arriva jamais, bien que les alliés aient à ce moment la totale maîtrise du ciel.
De la part d’un officier allemand fait prisonnier, je compris que mes soucis n’étaient pas sans fondement. Il me dit :  » Votre infanterie est très brave, mais vos officiers sont stupides. Vous pouvez continuer à attaquer les forts de face à tout jamais sans pouvoir les capturer. Grâce à l’artillerie américaine et l’infanterie allemande nous pourrions avoir le monde à nos pieds « .
Je pensai alors que ces propos venant d’un officier d’une armée supposée désorganisée et en déroute étaient plutôt puissants. Peut-être les Allemands allaient-ils faire de la résistance autour de Metz ?
Je n’eus plus aucun doute à ce sujet lorsque nous fut révélée la redoutable existence du Fort Driant sur notre arrière gauche.
A Dornot, nous étions comme des oiseaux pris en cage. Les Allemands placèrent habilement leur premier tir d’artillerie sur notre poste de commandement avancé. A ce moment même, j’essayais de négocier avec mes supérieurs la réduction de mon trop vaste espace de commandement. J’étais prêt à me déplacer avec mes hommes de l’autre côté de la rivière.
Cette salve tua mon sergent de renseignement, mon opérateur radio et le jeune  » John the Frenchman  » (Jean Maspero) qui était notre guide et traducteur depuis Angers. Parmi les blessés se trouvaient l’officier exécutif et l’officier de renseignement du Bataillon. Les communications par câble étaient hors d’usage et ma radio détruite. Je me déplaçais immédiatement vers un nouveau poste de commandement qui avait été pré-cablé dans le haut du village. De là, je pus reprendre le contrôle des opérations.
Et voilà, plutôt que de poursuivre un ennemi en déroute, nous nous battions contre des positions fortifiées face auxquelles nous n’avions aucun équipement adapté. Et je me retrouvais sur le fil du rasoir, dans une position extrêmement délicate. Devais-je être loyal envers mon commandement ou envers mes hommes ?
Une position très inconfortable, je peux vous l’assurer…
Il devint vite évident que le quartier général était peu disposé à engager les ressources nécessaires pour élargir la tête de Pont. Un fois élargie, elle aurait été trop coûteuse à utiliser. En conséquence, quand je fus certain qu’il était hors de doute que nous devions résister avec les seules ressources disponibles, je me posai l’ultime question :  » pourquoi sacrifier un bataillon d’élite pour rien ? « .
Il était vraiment temps que je sorte de ma cage.
Le cours des événements continuait à tourner au vinaigre. En haut, on m’avait mis en garde. Le Général Patton était las des nombreuses traversées de rivières ratées, et sa patience avait atteint ses limites. Et le mot était faible !
Je n’avais bien sûr pas transmis les états d’âme de Patton à mes hommes. Ce que je ne savais pas, c’est que l’Etat-Major avait relevé de son commandement le Général Thompson, commandant le CCB, parce qu’ils avaient pensé qu’il avait fait revenir en arrière des troupes ayant établi la première tête de pont, celle qui n’avait jamais existé !
Sur ma recommandation, le Colonel Yuill proposa une retraite immédiate de mes troupes du Bois du Fer à Cheval, proposition assortie d’une autre tentative de traversée à un endroit plus raisonnable.
Non seulement l’Etat-Major refusa catégoriquement la retraite, mais il ordonna que la tête de pont devait tenir à tout prix !
Mes hommes devaient se sacrifier pour occuper l’ennemi pendant que le 10ème Régiment d’Infanterie traverserait à Arnaville. Les hommes ayant mis toute leur confiance en moi, leur dire qu’ils avaient été déclarés  » sacrifiables  » fut la chose la plus difficile que j’eus à faire de toute la guerre.
Comme je l’avais espéré, ils répondirent magnifiquement à cette nouvelle et terrible mission. Ils tinrent la position pendant 60 difficiles heures dans des conditions effroyablement dures pendant que la traversée à Arnaville était sécurisée. Ensuite, il fallut se replier… J’appris, après la guerre, que l’heure de repli que j’avais programmée précédait de 2 heures une attaque allemande coordonnée, planifiée pour totalement anéantir la tête de pont de Dornot.
Au beau milieu d’une nuit, pendant ces 60 heures, je reçus le second de deux coups de téléphone mémorables. Le premier avait bien sûr été celui du Colonel Yuill disant qu’il fallait tenir  » à tout prix « .
Le second appel fut un appel angoissé, presque inaudible qu’on me passa finalement car personne ne savait quoi en faire. Il émanait d’un GI qui était dans son trou, de l’autre côté de la Moselle. Sa mission était de tenir les Allemands éloignés du site prévu pour le repli.
 » Colonel, me dit-il, je pense que les Allemands sont en train d’utiliser les gaz. Il y a un gros nuage blanc qui arrive sur nous par la rivière « . Si c’était vrai, nous avions un sacré problème sur le dos. Nos masques à gaz se trouvaient sur des camions à des kilomètres. Je me souviens avoir prodigué des mots de réconfort et d’encouragement au soldat. Je me souviens avoir croisé mes doigts. Je me souviens même avoir prié. Je raccrochai et attendis. Quelques longues minutes plus tard, le téléphone sonna à nouveau et mes prières furent exaucées :  » Monsieur, nous sommes OK. C’était juste de la brume. Bonne nuit, Monsieur… « .
Je suis certain que l’historien A. Kemp a pensé à ce brave fantassin et à ses camarades lorsqu’il écrivit :  » Les vaillants défenseurs du Bois du Fer à Cheval furent les victimes d’un faux optimisme et d’un pauvre plan émanant de leurs supérieurs, et leur action est restée enterrée dans les archives et les publications les moins lues. Les grandes opérations de guerre sont malheureusement faites de centaines de Dornot – préparées à la hâte, mal conçues, improvisées, mais néanmoins héroïques ! « .
Kemp dit aussi :  » La poignée de survivants fut ramenée à l’arrière pour prendre du repos, mais, pratiquement, le 2ème Bataillon du 11ème Régiment avait temporairement cessé d’exister « .
Mais le répit fut de courte durée. Le Bataillon essaya de contenir l’ennemi au Fort Driant pendant qu’on tentait de rétablir son effectif avec des remplaçants.
Le 17ème jour, le Bataillon lançait la première de plusieurs futiles attaques de la 5ème Division d’Infanterie sur le Fort Driant.
En regardant en arrière, je me rappelle très bien combien ma confiance dans le XXème Corps s’était graduellement érodée. D’abord, il y avait eu cette découverte que le CCB avait traversé la Moselle 2 Kms plus bas. Ce qui était supposé être un exploit.
En fait le 23ème Bataillon d’Infanterie Blindée était bel et bien encore sur la rive ouest de la rivière, contribuant efficacement à l’incroyable embouteillage qui nous bloquait la route pour accéder à l’endroit où nous étions supposés traverser. Ensuite, survint le très peu professionnel et désolant spectacle de deux divisions du XXème Corps étant autorisées à entrer en collision et à se mélanger au même endroit de traversée.
J’étais aussi en colère. Je me souvins combien il me fallut prendre sur moi pour que cette colère n’influence pas mes pensées et mon jugement. Le vase déborda quand le 23ème me demanda de le relever de sa mission…En conclusion, laissez-moi une fois encore vous rappeler le courage, l’altruisme , le dévouement, le sens du devoir et le souci les uns des autres dont les jeunes braves de Dornot ont fait preuve. Pour moi, j’ai ce très fort souvenir d’eux qui restera à tout jamais gravé en moi.Et pour terminer, un petit clin d’œil. Un merci tardif aux  » généreux  » et  » inconnus donateurs  » de 5 têtes de bétail qui représentèrent la majeure partie du premier repas chaud que prirent les survivants du Bois du Fer à Cheval. Un rapport stipule que cette prise fut l’œuvre du joueur de clairon de la Compagnie H. Celui-là même -entreprenant et talentueux camarade- qui conspira avec moi à Verdun pour enivrer les trois FFI qui avaient la charge de garder l’entrée de la cave à vin de l’hôtel Bellevue… »
Général Kelley B. Lemmon
Washington, le 2 septembre 2002.

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Lawrence R. Nickell

 

Lawrence R. Nickell a produit un livre racontant son parcours pendant la guerre.

éditeur
Eggmann Publishing,inc.
3012 Hedrick Street
Nashville, TN 37203

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Nick Pokrajac

Capitaine du Génie à la tête de pont de Dornot

J’avais sous mes ordres une dizaine de bateaux avec leurs équipages.
Dans chaque barque, il y avait 2 hommes du génie et 10 fantassins.
Nous avons effectué des dizaines d’aller-retour sur la Moselle, sous un feu intense, pour transporter les troupes, mais aussi la nourriture et les munitions.
Nous avons aussi évacué beaucoup de blessés allemands et américains venant du Bois du Fer à Cheval. Je pourrais écrire un livre sur ce que j’ai vécu dans l’opération de Dornot …

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Harold Isaac Storey

Harold Isaac Storey est agé de 79 ans, Il habite Rome en Georgie. Il est l’un des GIs qui ont participé à l’établissenent de la tête de pont d’Arnaville du 10 au 15 septembre 1944 après qu’une tentative identique ai tourné au massacre à Dornot, quatre kilomètres plus au Nord.

Il est revenu sur le terrain en cette fin d’année. Après s’être recueilli au bord de la Moselle, puis il a été reçu en mairie d’Arnaville par le maire et sa municipalité.

Son témoignage est bouleversant. Il a traversé la Moselle de nuit. Lui et ses camarades sont partis à l’assaut de la colline sur laquelle se trouve le village d’Arry. Il s’est retrouvé coincé sur la cote 386 pendant trois jours. Il a vu tous ses gradés abattus les uns après les autres. De par ce fait il s’est retrouvé lieutenant au soir du premier jour.

Il a subi les contre-attaques furieuses des Allemands ainsi que les bombardements du Fort Driant. Cloué au sol devant les Panzers, il ne dût son salut qu’à l’intervention d’un avion P47. Ils ne furent que treize de son peloton à sortir vivant de ce guépier.

« Je suis très content d’être revenu ici. C’est une sacré expérience pour moi. Je ne pensais pas que les lieux me seraient aussi familiers malgré tous les arbres qui ont poussés. A l’époque, c’était un poste d’observation exeptionnel.»

Harold à été blessé en janvier 1945 devant Diekirch au Grand-Duché de Luxembourg. C’était pour lui la fin de la guerre.

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Mitchell Sytkowski

Soldat d’infanterie à la tête de pont de Dornot

Les allemands réalisèrent finalement que nous étions tous dans le bois.
Aussi, ce périmètre commença-t-il à être intensivement bombardé.
Par chance, le sol était assez sableux, et creuser un trou n ‘était pas trop difficile.
Ce fut le trou le plus profond que j’ai jamais creusé, mais ça n’était pas encore assez …
Des éclats d’obus et des morccaux d’arbres nous tombaient sur la tête.
Il fallut couvrir nos trous avec nos imperméables, des branchages et de la terre pour nous protéger un peu plus … J’ai mené de durs combats pendant la guerre, mais celui du Bois du Fer à Cheval fut de très loin le plus terrible.
Je ne pourrai jamais oublier …

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Arthur Thompson

Sergent de reconnaissance à la tête de pont de Dornot

Des hommes sont revenus du bois nus, d’autres avec juste une paire de chaussures, certains n’avaient plus que leur fusil et une ceinture.
Ils étaient hagards et grelottants de peur et de froid.

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Tom Tucker

7e Engineers Batalions, Fort Driant

Tom a traversé la Moselle à Arnaville, puis a participé aux combats du fort Driant.


Tom en novembre 1944


Et lors de sa visite au fort Driant en 1998

«Nous avons passé beaucoup de temps à l’extérieur, dans l’enceinte du fort, exposés à tout ce que les Allemands avaient décidé de balancer sur nous. La surface était pelée et noire du fait des bombardements et de tous les tirs d’obus. Il ne restait que quelques troncs d’arbres fracassés encore debout. Chaque déplacement auquel vous surviviez tenait du miracle».

TOM et le Fort Driant
J’ai rencontré la première fois le Fort Driant quand mon escouade y fut envoyée pour y mettre en place les « snakes » (torpilles « serpents » emboîtables pouvant se glisser sous les barbelés) qui devaient servir à ouvrir des passages dans les larges rangées de barbelés qui entouraient le fort. Les « snakes » ressemblaient à de longues portions de tuyaux, d’à peu près 15cm de diamètre, qui étaient emboîtées les une dans les autres jusqu’à ce qu’ils fassent environ 100 mètres de long. Ils étaient remplis d’explosifs. C’était d’ailleurs notre boulot de remplir ces tuyaux d’explosifs après que l’assemblage eut été fait. Ces « snakes » avaient été assemblés au sud-ouest du fort. Je pense qu’il y avait à l’époque à cet endroit une petite ligne électrique, ou une ligne téléphonique jouxtant une petite construction blanchâtre. L’assemblage et le remplissage des « snakes » nous prirent environ une journée.

Quelques jours plus tard, notre escouade (environ 8 hommes) reçut l’ordre de se déplacer vers l’intérieur du fort, en support de notre infanterie qui était déjà en position offensive. Il fut décidé que nous monterions vers le fort dans des chars. Nous retrouvâmes les chars en question près de la lisière d’un bois situé à environ 500 ou 600 mètres au sud-ouest du fort. Le seul membre d’équipage restant dans le char pour notre « promenade » était le chauffeur. Ceci devait permettre à 5 « engineers » (soldats du génie) de se serrer dans le char. J’étais dans la tourelle. Je me rappelle que l’intérieur était peint en blanc et que je n’aimais pas beaucoup l’idée d’être enfermé dans cette boîte de conserve. Ce genre d’engin semblait toujours attirer au maximum l’artillerie allemande. Nous avons bien arrimé notre équipement et quelques provisions à l’extérieur du char pour le voyage vers le fort. En arrivant au point de largage, situé juste au sud de ce que nous devions appeler plus tard la casemate S, nous fûmes très largement exposés pendant que nous déchargions notre équipement des chars. Il fallut nous jeter rapidement dans un fossé où nous fûmes pris en charge par un guide qui nous fit courir vers une porte s’ouvrant dans une énorme grille de fer. Puis, le guide nous indiqua une ouverture dans le bunker dans laquelle il fallut s’engouffrer à toute vitesse. Elle était située au deuxième étage de la casemate S. Nous devions plus tard l’appeler « la porte ».

Nous passâmes peu de temps dans la casemate S. Une fois seulement je fus obligé de me trouver dans le profond tunnel reliant la casemate S à la casemate R. Les fumées provenant des explosions souterraines étaient si denses qu’il était impossible de rester longtemps dans le tunnel. On nous ordonna ensuite d’amener équipement et provisions, aussi nous dûmes retourner à l’endroit où nous avions laissé les chars, puis décharger tout notre matériel pour enfin l’amener jusqu’à la casemate S.
Il nous fallut alors passer beaucoup de temps à découvert, courant sur la surface du fort, exposée à tout ce que les Allemands pouvaient nous balancer sur la tête. Cette surface était décapée et noire à cause des bombardements et des tirs d’artillerie. Il ne restait que de rares troncs d’arbres déchiquetés. Chaque voyage dont vous reveniez vivant tenait du miracle. Il y a deux choses dont je me rappellerai toujours de mes courses allant des chars aux casemates : La première c’est qu’il me semblait voir toujours le même GI mort au pied de la palissade métallique. La seconde était la vision au loin de « la porte » dans le bunker qui signifiait pour moi « sécurité ».

Une petite histoire à propos de « la porte » : Il y avait toujours un officier de communication avec son équipement qui se tenait à l’abri juste à l’intérieur de cette ouverture. Aussi, chaque fois que nous nous engouffrions en hâte dans « la porte», nous le piétinions ! … Environ 45 ans plus tard, lors d’un voyage avec les membres de la 5ème Division, je rencontrai un homme qui s’avéra être cet officier. Ironie du sort, il habitait tout près de chez moi, à San Diego, et nous devinrent de très bons amis…

Notre mission suivante fut d’occuper un gros bunker situé au sud de la casemate P, à quelques 200 mètres de la casemate S. Une fois encore cela voulait dire déplacer tout l’équipement et autre approvisionnement, refaire des dizaines d’aller-retour de la « S » vers le bunker. Nous étions tout du long exposés au feu ennemi, à l’exception de quelques petits abris bétonnés qui étaient disséminés tout au long de la piste sur laquelle nous courions. A l’est du bunker se trouvait un trou d’homme. Nous décidâmes qu’il nous servirait la nuit de poste avancé et de poste d’observation. Il avait apparemment été creusé par notre infanterie qui avait occupé le bunker t cet endroit avant d’être capturée par l’ennemi. Je passai trois nuit dans ce trou avec mon camarade Chuck Risser. Nous quittions toujours le bunker pour aller nous positionner dans le trou quand la nuit tombait, et nous retrouvions le bunker à l’aube.
Pendant la journée, le vacarme engendré par l’artillerie, les mortiers et les armes automatiques était quasiment ininterrompu, mais c’était si calme durant la nuit que vous pouviez entendre le son le plus léger. C’était étrange et cela semblait irréel…
Chaque nuit, nous amenions dans notre trou une caisse de grenades à main. Au moindre bruit, nous lancions une grenade. En vérité, nous balancions une grenade à chaque bruissement, tout au long de la nuit…
Après notre repli du fort, Risser et moi avions l’habitude de bien rire en pensant au nombre de souris que nous avions probablement tuées avec nos grenades !
Sur le sommet du bunker, il y avait une position de mitrailleuse de notre 10th Infantry Heavy Weapons Platoon. Risser et moi étions toujours inquiets parce que, s’ils avaient à tirer dans notre direction, nous n’étions pas sûrs qu’ils viseraient assez haut pour ne pas nous atteindre.
Un matin, au moment où le jour commençait juste à poindre, nous entendîmes un bruit étrange venant de notre arrière : « clic, clac, clic, clac… ». Nous attendîmes, bien cachés au plus profond de notre trou… C’était en fait deux gars de chez nous, appartenant au Signal Corps. Ils descendaient tranquillement la piste avec un rouleau de câble téléphonique qu’ils déroulaient. Ils se rendaient vers l’est et posaient ce câble pour assurer des liaisons entre nos différentes unités. Avec Risser, nous les stoppâmes en leur disant qu’il n’y avait plus personne de chez nous dans cette direction. Risser et moi représentions le poste le plus avancé. Ils nous dirent OK avec un sourire, mais continuèrent leur chemin. On ne les revit jamais.

A la fin de l’attaque, on nous envoya vers la casemate S. Nous y sommes restés environ une journée. Toutes nos troupes se repliaient. Notre dernière mission fut d’attendre le départ de tous nos gars pour mettre à feu les fusées qui allaient faire exploser la casemate R. L’explosion allait être énorme vu la quantité d’explosifs employée pour la destruction de l’ouvrage.
Nous étions là avec un officier qui nous donna le choix de quitter le fort dans les chars ou à pieds. Notre réponse fut unanime « pas de chars ! ! !». Une fois, c’était assez… Nous plaçâmes donc les fusées, courûmes à toute vitesse hors de la casemate S et rejoignîmes le reste des hommes en bas de la colline, en traversant les bois, quelques 500 mètres en contrebas. Puis on nous ramena à Lorry (Mardigny).

En 1990, je pus obtenir une permission pour retourner au fort Driant. Puis en 92 et 94. En 94 je pus enfin localiser le trou où Risser et moi avions passé toutes ces drôles de nuits…

Tom Tucker     Compagnie B,     7ème bataillon du Génie      5ème Division d’Infanterie      3ème Armée Américaine

Le retour de 2001

Tom est revenu une nouvelle fois en ce mois de mai 2001. Après avoir été reçu chaleureusement en mairie d’Ancy-sur-Moselle, nous l’avons accompagné le lendemain dans une longue visite du Fort Driant. Plus de trente personnes ont suivi les explications techniques de notre guide Marcel Geoffroy et, àchaud , les commentaires de Tom.
De plus il nous a accordé un long interview que nous reproduirons bientôt en vidéo.

Le lendemain, nous nous sommes rendu sur la Seille ou Tom a construit un des premiers ponts à hauteur de Sillegny.
Nous avons aussi fait un émouvant arrêt dans le village de Lorry, ou un de ses camarades à été grièvement blessé devant lui.

 

… Des hauteurs d’Arry, Tom nous montre    l’endroit où il a effectué la traversée de la     Moselle en septembre 44 à hauteur     d’Arnaville

Il a aussi tenu à nous montrer à Bayonville la scierie où les Américains s’entraînaient à monter les ponts destinés à la Seille car le Rupt de Mad présentait la même largeur.

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Le Lancaster de Villers-sous-Prény

Sur cette page hommage sera rendu aux aviateurs ayant participés à la libération de notre région.

Villers se trouve a mi-chemin de Pagny-sur-Moselle et Pont-à-Mousson.
En février 1944, un bombardier Lancaster piloté par un équipage Australien s’y écrase!
Quatre mille personnes font aux victimes des obsèques grandioses. Un acte unique de résistance en France et ce malgrré les risques de représailles de la part des Allemands…..

Le Lancaster de Villers-sous-Prény par Armand Casalini : A lire absolument !

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