DRIANT 1944 : Les témoignages de ceux qui y étaient
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Témoignages américains
Témoignage de Tom Tucker ,B Cie,7 Combat Engineer Battalion (concernant les journées du 28 Septembre au 2 Octobre) :

   " Mon équipe a été affectée pour aider à fabriquer les "Snakes" qui allaient être utilisés pour ouvrir des brèches dans les barbelés qui entouraient le fort. Ces larges réseaux de barbelés avaient de 13 à 17 mètres de profondeur. Les "Snakes" sont des morceaux de tuyaux d'environ 15 cm de diamètre soudés les uns aux autres pour avoir 16 mètres de long et remplis d'explosifs.    Nous avions pour tâche de remplir ces tuyaux avec des explosifs après qu'ils aient été soudés. Les "Snakes" devaient être amenés jusqu'aux réseaux de barbelés avec des chars, poussés par les tanks en dessous de ces réseaux puis on les faisaient exploser."


Témoignage d'un tankiste du 735ème Tank Bataillon - (concernant les journées du 28 Septembre au 2 Octobre) :

"....Les "snakes" étaient de longs tubes de métal d'environ 16 m de long, bourrés d'un explosif très puissant. Ils étaient dans un premier temps trainés derrière un char jusqu'aux réseaux de barbelés , ensuite ils étaient décrochés puis le tank reculait ,il suffisait alors de lesraccrocher à l'avant du blindé , de les pousser sous le réseau à détruire et de les faire exploser. Si tout se passait bien ils ouvraient une brêche dans les barbelés ce qui permettait à l'infanterie de passer à l'attaque ...."
Témoignage d'Andrew Mc Glynn (concernant la journée du 3 Octobre) :

    " A cette époque, le bataillon dispose de peu d'hommes qui ont connu le combat. Trois semaines auparavant, le gros de la troupe a été quasiment anéanti en tentant d'établir une tête de pont de l'autre côté de la rivière, à Dornot. Je mentionne ceci car c'est la première fois alors que nous recevons des remplaçants pour tous les hommes que nous avons perdus. Ces remplaçants ont peu ou pas du tout d'entraînement de fantassin et sont effrayés d'aller au combat. Nous savons que nous ne pourrons pas compter sur eux tant qu'ils n'auront pas connu l'épreuve du feu. Comme on l'établira plus tard, beaucoup d'entre eux ne reviendront pas du fort."


Témoignage d'un chef de char- 735ème Tank Bataillon / COMPAGNIE C-
(concernant la journée du 3 Octobre)
"....L'attaque débute le 3 octobre ,vers 11h45. Notre peloton de 5 chars sous les ordres du Lt. TOWNE est chargé d'amener deux "snakes " dans le secteur Sud du fort. Malheureusement , un des 2 tubes bourrés d'explosif se casse en chemin et nous devons
l'abandonner . Mais nous avons plus de chance avec l'autre , qui est tracté par le Sherman du Lt. TOWNE . Il parvint jusqu'aux réseaux de barbelés à détruire et entame la procédure prévue ( Nota : Les équipages s'étaient entrainés dans les champs près
du village de Gorze ). Des membres de son blindé décrochent le "snake " , le Lt. fait reculer son char et ils le raccrochent à l'avant .Mais juste au moment ou il donne l'ordre à son conducteur d'avancer pour pousser le tube d'explosif sous le réseau , un Sherman d'une autre section passe devant eux et saute sur une mine antichar !
Le blindé , déchenillé , s'immobilise en plein sur le passage prévu...L'affaire est ratée ...La voie d'accès est bloquée ...Nous sommes fou de rage !

Nota: La section de 5 chars du Lt.TOWNE était composée de 4 Shermans M4A3 76 mm et d'un Sherman 105 mm.

Historien de l'artillerie du XX Corps (concernant les tirs d'artillerie) :


   " Nos obusiers de 240 mm et de 8 pouces (200mm) ont été incapables de détruire ou de neutraliser les tourelles en acier des Forts Driant et Verdun. Quelques rares coups direct ont pu être effectués mais ils ont tout simplement glissé sans causer de dommage"

Témoignage de Tom Tucker ,B Cie,7 Combat Engineer Battalion (concernant les journées après le 7 Octobre)

   " Notre mission suivante consiste à occuper un grand bunker au sud de la soute P et à environ deux cents mètres à l'est des casernements S.
   De nouveau, cela consiste à transporter du ravitaillement, à faire un certain nombre de voyages des casernements S au bunker. Nous sommes toujours exposés aux tirs allemands sur tout le parcours, à l'exception des quelques petits abris souterrains situés le long de notre itinéraire.
   A l'est du bunker, se trouve un trou individuel qui est utilisé la nuit comme poste avancé et poste d'écoute. Apparemment, il a été creusé par nos fantassins qui occupaient le bunker et ce secteur avant qu'ils soient capturés. Je passe trois nuits dans ce trou individuel avec mon copain Chuck Risser. Nous quittons toujours le bunker pour rejoindre le trou individuel à la tombée de la nuit et nous retournons au bunker le lendemain à l'aube. Pendant la journée, les bruits d'artillerie, des tirs de mortiers et des armes automatiques sont quasi continuels. Mais, la nuit, c'est si calme qu'on peut entendre le moindre bruit. Vraiment étrange !!! Chaque nuit, nous prenons une caisse de grenades pour l'amener au trou individuel et, si nous entendons un bruit, nous pourrons lancer une grenade. Nous jetons des grenades à chaque bruit, toute la nuit. Quand nous aurons quitté le fort, Risser et moi, il nous arrivera de rire en pensant à toutes les souris que nous avons probablement tuées. Sur le toit du bunker, il y a une mitrailleuse de la 1ère section d'armes lourdes du 10th Infantry Regiment. Risser et moi nous sommes toujours concernées par elle car elle pourrait tirer dans notre direction et nous ne sommes pas sûrs qu'elle viserait assez haut pour tirer au-dessus de nous.
   Un matin, le jour commence à pointer et nous nous apprêtons à rejoindre le bunker pour le restant de la journée quand nous entendons le bruit d'un clic-clac venant de la direction du bunker. Nous attendons, cachés dans le trou individuel. Quand le bruit arrive sur nous, nous jetons un petit coup d'oeil. Il y a deux gars des transmissions descendant le chemin avec un rouleau de fil entre eux. Ils se dirigent vers l'Est et sont en train de poser une ligne. Risser et moi, nous les arrêtons et nous leur disons qu'il n'y a plus personne là-bas, que nous sommes le dernier poste avancé. Ils disent OK et continuent. Nous ne les reverrons jamais."

Témoignage de John T. Russel Lt Colonel Us Army (concernant la journée du 3 Octobre)


   "Le général George Patton, Officier Commandant de la 3ème armée en Europe. Il avait signé ma promotion à Lieutenant Colonel... J'étais Officier Commandant des Forces pour prendre d'assaut le Fort driant. C'était très détaillé et beaucoup de troupes d'unités différentes étaient engagées. Cette opération avait même une maquette de sable montrant qui devait être où et quand allait commencer l'attaque sur Driant.
    Le Général Irwin avait sommé son état-major et l'Officier Commandant de notre Régiment (Colonel Yuill) et son état-major et moi avec mon état-major, à son Quartier Général quelque part, je ne me souviens plus où.
    Le but était de faire savoir l'enjeu. Ah oui, l'Officier Commandant du 7ème Bataillon du Génie était aussi présent. Bon, nous avions à peine complété l'explication sur la maquette de sable quand la porte de son Quartier Général est volée ouverte et le sergent a annoncé à haute voix :
    "Attention". Un éclair m'est passé par la tête qu'avec déjà un Général deux étoiles dans la pièce, il devait s'agir d'une personnalité importante.
    C'était le Général Patton qui entrait en demandant ce qu'il se passait. Il a regardé et écouté comme le Général Irwin lui expliquait.
    Après une dizaine de minutes il adit : "Red, allons voir la 2ème Infanterie" - Red étant le Général Irwin, un collègue de l'Académie Militaire de West point.
    Alors il a dit : "qui va commander cette opération ?" Le Général Irwin a répondu : "le Major Russel, au bout de la table".
    Quand Patton est passé près de moi, il s'est arrêté et a dit "bonne chance, fils" et il a quitté la pièce.
    Je ne l'oublierai jamais.

Témoignage de John T. Russel Lt Colonel Us Army (concernant les journées du 3 au 5 Octobre)

   Le Lieutenant Général Walton H. Walker, Officier Commandant du 20ème Corps est venu au Quartier Général du Colonel Yuill, le matin même après que l'assaut sur Driant ait commencé.
    Il essayait d'être comme Patton, mais il ne lui arrivait pas à la cheville. Il a failli nous faire relever, le Colonel Yuill et moi, et je ne blague pas. Il pensait que nous ne travaillions pas assez fort, et que maintenant nous aurions dû avoir balayé Driant. Je savais de source, pourquoi il n'en était pas ainsi, qu'il ne s'agissait pas d'un manque de "force de travail".
    Mais je ne lui ai rien dit. De toute façon, le jour suivant mes Forces et les unités engagées ont été relevées. Nous avions été remplacés par l'Officier Commandant Assistant de Division, le Brigadier Général Warnock ainsi que des unités d'Infanterie des 2ème et 10 ème Bataillons.
    Je connaissais Warnok De Custer quand il était venu me dire, "Ruusel, bon diable, pourquoi as-tu fait craquer cet endroit ?" J'ai répondu : "Les ordres, mon Général. Bonne chance..."Il a dit : "C'est aussi pourquoi nous sommes ici, -les ordres ! S'il était possible de le faire, votre groupe l'aurait fait".
C'était un bon officier avec une excellente expérience d'Infanterie. Ses forces ont duré deux jours, n'ont rien obtenu et il a été relevé

Témoignage de Harry M. "Pete" Smith Lieutenant Colonel Us Army (concernant la période du 27 Septembre au 9 Octobre)

   Vers la fin Septembre 1944, le Régiment de la 11ème Infanterie a attaqué le côté Nrd Ouest du fort sans aucun succès.
   Alors, au début d'Octobre, une seconde attaque fut lancée sur le côté Sud-Est du Fort. Je pense que c'était la compagnie B, commandée par le Capitaine Garry ("GI") Anderson et la Compagnie "G" commandée par le Capitaine Jack Gerrie, qui avaient établi un pied-à-terre.
    Après l'attaque initiale et l'élément de surprise perdu, les Fort adjacents comme le Groupe Verdun et d'autres ont couvert l'endroit de rafales de feu, en rendant tout à fait impossible de rester sur le terrain. Les Compagnies B et G ont tenu l'emplacement.    Le Colonel Yuil, Commandant du régiment m'a donné l'ordre d'aller dans le Fort et de prendre commande des troupes à l'intérieur. C'est ce que j'ai fait et j'ai gardé le commandement jusqu'à ce que nous soyons relevés par un élémnt du Régiment de la 2ème Infanterie. Je pense que nous l'avons gardé environ 15 jours.
   Quand la Division a décidé de se servir des troupes autres que la 11ème Infanterie, ils ont installé une opération appelée "Mission Spéciale Warnock" avec comme commandant, le Brigadier Général Warnock (Assistant Commandant de Division).
    Après avoir passé le commandement du Fort à la 2ème Infanterie, je suis retourné au Quartier Général du Général Warnock où il m'a offert une bouteille de Scotch. Nous nous sommes assis et nous avons bu.

Témoignages Allemands

Témoignage d'un soldat allemand du fort -OCTOBRE 44

"...Je fus affecté au Fort-Driant juste après les durs combats du mois d'octobre où des élèves officiers avaient repoussé une forte attaque US.
Il y avait là quelques épaves de tanks américains près d'une batterie .Ils avaient été détruits par nos " Panzerknacker" ( casseur de char ) . Mais un des Shermans* était intact et en parfait état de marche. Avec d'autres camarades , nous reçumes l'ordre de donner un coup de main pour l'évacuer vers Metz .Je me souviens d'etre monté dans la caisse et de m'etre installé à la place avant droite ( celle du radio-mitrailleur ).
Un gars des troupes blindées s'est mis aux commandes. Il a manipulé quelques boutons et le moteur a démarré ,il a passé la 1ère vitesse, accéléré, le char a commencé à avancer et là, il y a eu une formidable explosion .
Nous venions de rouler sur une de nos propres mines !
Je fus projeté à l'intérieur du char , ma tête heurta violemment la paroi d'acier et je m'évanouis victime d'une forte commotion cérébrale..."

*NOTA : Il s'agit du Sherman du Sgt.Paul G.OTTO .Lui et son équipage furent fait prisonnier dans la nuit du 3 au 4 octobre près de la "batterie D". Encerclés , isolés et menacés de destruction par "panzerfaust ", ils n'eurent pas le choix , ils sortirent du char et se rendirent.

 

Interrogatoire de l'Unteroffizier Wolgang Helwig, artilleur au Fort Driant, le 9 Décembre 1944

   Des prisonniers du Fort Driant le 8 Décembre 1944, seul l'Unteroffizier Wolfgang Helwig était présent dans le Fort durant les assauts de la 5ème Division d'Infanterie en Octobre 1944.
   D'après Helwig et d'autres prisonniers, il apparait que la garnison initiale fut relevée du Fort pour d'autres missions.durant Octobre.
   
Helwig faisait partie d'un détachement d'environ 250 hommes qui arrivèrent au Fort dans la nuit du 3 au 4 Septembre.
Ce détachement était composé d'égarés de différentes unités et incluait 50 Junkers de l'Ecole de Metz. Il était commandé par l'Hauptmann Weiler, un instructeur de l'école d'officiers. Weiler était décrit comme un bon soldat mais apparemment pas très aimé ni respecté de ses hommes. Il n'y avait pas d'autres officiers dans le Fort.

   Avant l'arrivée de ce détachement il n'y avait personne dans le Fort. Les canons des batteries étaient en état de marche mais Helwig, artilleur, s'en méfiait. Il les décrit comme de vieux canons en place depuis la construction du Fort.
   
Les grenadiers avaient confiance au Fort mais ne pensaient pas être assez nombreux et avoir suffisemment d'armes d'appui pour tenir contre un puissant assaut.
   
Helwig était apparemment le seul artilleur expérimenté dans le Fort. Dans un premier temps, il prit en charge les 2 canons de la Batterie Moselle. Durant la tentative de traversée de la Moselle à Dornot, les 3 observatoires cuirassés de la Batterie avaient une vue claire du site de franchissement et celle-ci tirait dessus continuellement.Cependant les autres batteries du Fort ne tirèrent pas à cause du manque d'artilleurs confirmés.

   Pendant la première attaque du 27 Septembre il n'y eut pas d'autres renforts. Les bombardements préliminaires (chasseurs bombardiers avec bombes de 500 livres et au napalm) ne causèrent pas de dommages.Les bombes au napalm étaient "curieuses". Les tirs d'artillerie firent quelques dommages mais il n'y eut pas de victime durant l'attaque. Après cet assaut, la garnison avait pris confiance pour repousser d'autres attaques.

Le bombardement d'artillerie lourde avait fendu le plafond de certaines casemates et abris mais sans les percer. Cependant la précision des tirs était stupéfiante. Personne n'osait sortir des casemates.

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