Lorsque fin janvier 1943 , à la conférence de Casablanca , le haut commandement alliés prend la décision de lancer une offensive aérienne systématique contre les grands centres de productions industrielles du 3 ème Reich, lindustrie aéronautique allemande est classée en seconde place dans lordre des priorités de destruction.
Cest ainsi que du 1er janvier au 31 décembre 1943 , 135 000 tonnes de bombes ravagent les usines allemandes , obligeant le ministre de lindustrie et de larmement , Albert SPEER , à décentraliser les grands complexes de productions , indispensables pour poursuivre leffort de guerre .
La société VDM ou Vereinigten Deustchen Metallwerke ( Société de fabrication mécanique ) dont le siége est à Francfort -sur -Main , est obligée de répartir sa production sur différents sites en territoires occupés , notamment à WOIPPY où elle occupe 2 halles dune usine de construction de moteurs davion. Mais pas à labri dun bombardement , puisquelle est touchée lors dun raid mené par les bombardiers US le 27 mai 1944,ses dirigeants décident alors de trouver un endroit plus sûr pour leur outil de production et ils se tournent vers les forts de Metz dont les casemates et les abris bétonnés à lépreuve des bombes semblent lidéal en matière de protection. De plus , dotés dune excellente infrastructure routière qui permettait lécoulement de la production vers le 3 ème Reich, ils prennent donc la décision de transférer toutes les machines-outils ainsi que tous les travailleurs forcés vers les forts et notamment vers le FORT -DRIANT .
Le
transfert des installations se déroule sans problèmes particulier
,car facilité par un réseau routier qui mène au centre
du complexe fortifié. De plus lélectricité nécessaire
est fournie par les groupes électrogènes du Fort .Il est décidé
dinstaller les machines-outils dans les casernes car on pouvait les
rentrer par les grandes portes daccès et les grandes chambrées
étaient parfaites pour leurs mises en place . Mais on doit quand même
élargir quelques couloirs et percer quelques murs pour leurs passages.
Les batteries servent quand à elles de lieu de stockage. De plus on
dispose des grands baraquements situés le long de la route menant au
fort pour loger les ouvriers et les ouvrières .
La production commençe rapidement .Elle consiste
à fabriquer et usiner les pièces nécessaires à
la confection des système de pas -variable dhélices
pour les avions MESSERSMITH et FOCKE- WULF. (La société VDM
est spécialiste dans ce domaine très pointu ). Mais toute une
large gamme de pièces en alliage léger , toujours pour laviation,
est également produite.
Lusine nassure pas seulement la fabrication des pièces
mécaniques. Une chaîne de montage assemble les différents
éléments entre eux, ce qui permet de fournir les grands constructeurs
davions en équipements aéronautiques finis et contrôlés
(chaque pièce sortant du fort avait un N° de contrôle).
Mais
devant lavance des troupes de larmée PATTON , il devient
évident que lusine ne peut être conservée.
Les dirigeants envisagent de déménager une nouvelle fois les
machines -outils mais devant le chaos engendré par la débâcle
allemande et le manque de moyens de transport , ils abandonnent purement et
simplement le Fort en laissant les machines en létat ainsi que
de nombreuses pièces en cours de fabrication .
Lorsque le fort tombe finalement aux mains des Gis du 2 ème Régiment dInfanterie en décembre 1944, ceux ci découvrent avec étonnement et curiosité toute létendue de lusine et en 1945 les autorités françaises décident de récupérer tout loutillage et les machines - outils présents au FORT- DRIANT ce qui est accompli par des prisonniers allemands sous la garde de militaires français. Les pièces mécaniques qui navaient pu être expédiées vers lAllemagne servirent à combler les chemins ou à boucher les nombreux trous dobus .
Mais nous ne pouvons conclure , sans évoquer le destin
tragique de ces centaines de travailleurs forcés,
pour la plupart des femmes originaires des pays de lEst qui furent exploitées
dans les usines allemandes. Travailleuses déportées dans un
pays quelles ne connaissaient pas , elles durent subir privations et
humiliations.
Travaillant sans relâche , dans des conditions déplorables
,privées de soins , de nourritures et dhygiène élémentaire
tout cela sous le joug des gardes allemands qui les méprisaient,
Nombres danciens Arsois se souviennent encore de cette
longue colonne de prisonnières qui descendaient par la route du FORT-
DRIANT encadrées par les sbires Nazis pour aller travailler à
la Boulonnerie , où malgré les risques encourus certains ouvriers
et ouvrières nhésitaient pas à partager leurs
casse- croûte avec elles .
Ne les oublions pas .
Origine et armement : 1899 - 1918
Après
la défaite de la France dans la guerre franco-prussienne de 1870-71
et l'absorption des provinces de l'Alsace et de Lorraine dans le nouvel Empire
Allemand ainsi créé, l'armée allemande a décidé
de construire une ligne de forteresses de Strasbourg au Luxembourg pour protéger
leur territoire.
Le point central de cette ligne fut le grand Moselstellung (Moselle position)
de Metz / Thionville et en particulier les deux ceintures de protection de
la ville de Metz.
Le fort Driant a été construit de 1899 à 1905 et
son nom était alors "Feste Kronprinz"
Situé
au Sud-Ouest de Metz (10km), à proximité d'Ars sur Moselle,
il fait partie de la deuxième ceinture de défense de la ville
de Metz.
Edifié sur un éperon rocheux au dessus d'Ancy
sur Moselle, il domine la Moselle à 190 m de hauteur et sa mission
principale était de s'opposer à une offensive française
venant de la région de Mars la Tour, Chambley et Gorze ainsi que le
sud de la vallée de la Moselle.
Son artillerie était dirigée dans ces directions.
Le Fort n'est pas qu'un seul bâtiment mais comme toutes les fortifications construites à la même époque, il s'agit d'un certain nombre d'éléments implantés sur le terrain.
Il
donne pour 3 de ses 4 faces sur des pentes abruptes qui constituent un obstacle
naturel.
La seule voie possible, en dehors de la route, pour une attaque de l'ensemble,
est la voie ouverte du plateau. Les constructeurs y avait pensé car
cette voie est protégée par un puissant ouvrage d'infanterie.
L'artillerie est disposée sur les 4 batteries cuirassées
alignées du Nord au Sud (L,M,N,O et P) . Une batterie mesure 60 m de
long et abrite 3 tourelles modèle "Schumann" . Les 2 batteries
Nord et Sud (L et P) sont équipées en obusiers de 150 mm, les
2 centrales (M et O) avec des canons de 100 mm. La batterie M dans le champ
de vision d'un éventuel attaquant dispose de canons courts renforcés.
La O possède des tubes longs normaux.
4 Batteries Annexe
en assuraient la défense dont la Batterie Moselle (2 canons de 105
longs) qui avait vue directe sur la Moselle et le village de Dornot.
Le G.F. est aussi constitué de 6 casernes dispersées
pour un effectif de 1800 hommes et plus de 870 m de galeries souterraines
(certains affirment 1500m) parfois à des profondeurs de 8 à
11 m, reliant les différents ouvrages secondaires tels que des "points
d'appuis" (appelés Abri de piquets) pour les combats d'infanterie
et permettant aux groupes de combats de s'abriter pendant les bombardements.
Les casernements sont situés sur la face Ouest et
protégés par une large douve(fossé).
Le casernement central (Hauptkaserne) est sur le point culminant
de la hauteur et il protège les batteries d'artillerie. De forme trapèzoïdal,
il mesure 250 m de long pour 110 m de large. C'est le "cerveau"
du G.F. Il abritele poste de commandement, la source d'énergie, les
communications, l'hôpital, et l'essentiel de la garnison. Au sommet
se trouvent un lance mines (coté Nord), deux observatoires tournants
et 5 fixes.
Pour
le confort des troupes, le casernement dispose de dortoirs, cuisines, magasins
divers, mais aussi une boulangerie, une infirmerie, 2 usines électromécaniques
pour la production d'électricité sans oublier une réserve
d'eau de plus de 4500 m3.
De
nombreuses guérites blindées, des ceintures de tranchées
bétonnées avec abris, des bunkers d'observation avec cloche
pour lunettes binoculaires, des emplacements bétonnés pour mitrailleuses,
complètent le dispostif de défense. Les galeries débouchent
aussi sur des passages et des sorties camouflées.
Les soldats peuvent ainsi se déplacer d'un endroit
à un autre sans sortir, en restant à l'abri et de façon
invisible pour un observateur extérieur.
Les différents bâtiments blindés sont
très bien conçus et fabriqués avec des matériaux
de qualité. Les bunkers 3 et 4 par exemple :Ce sont des blocs de béton
armés formant 2 étages. les murs sont épais de plus d'1m20.
Seul le toit effleure le sol. les murs arrières sont accessibles par
une tranchée large et profonde. Les ouvertures (portes) sont toutes
blindées et protégées par de hautes palissades d'acier.
Le
tout étant protégé par des hectares de réseaux
de fils de fer barbelés de 20 à 25 m de large. Chaque ouvrage
ayant en plus son propre réseau.
L'ensemble
occupant une superficie totale de 223 hectares dont 142 pour le fort lui même.
Le seul chemin d'accès est une petite route, fort sinueuse, qui débouche à Ars près du ravin d'un petit ruisseau : la Mance. Cette route est défendue par 2 blockhaus et par un imposant portail portant l'inscription du nom du fort : Feste Kronprinz
Ci-dessus : La construction de la monumentale porte d'entrée du fort
Source : DFFV 2006
1918 - 1939
Redevenu français
en 1918, il est baptisé "Driant" du nom du lieutenant-colonel
tombé à Verdun, le 22 février 1916, au bois des Caures.
Le
fort est la clé de tout le système fortifié de la Moselle.
Avec lui, toute attaque venant du sud en longeant la Moselle devait être
impossible.
Mais
il est fortement désarmé : seules 3 compagnies de "Fahnenjunker"
le défendent pour un effectif (estimé) de 250 hommes.
Metz était loin du front, des prélèvements de matériel
comme des canons et surtout des appareils optiques, ont été
effectués.
Driant est prioritaire avec d'autres Forts situés
à l'Ouest. Ces Forts sont, en effet, les mieux placés pour fermer
les axes de l'avancée américaine. Aidés de spécialistes
civils venus de la Sarre, les allemands réequipent progressivement
les 26 pièces sous coupolle de Driant et de Jeanne d'Ars. A cet effet,
des tubes sont même récupérés au Musée de
la Forteresse de Metz.
Par contre, le matériel optique fait défaut.
Il n'y a plus de tables de tir et ces derniers devront être réglés
par des observations directes.
De plus, le système de ventilation pose problème et on n'arrive
pas à le remettre en marche.
Les munitions disponibles sont d'origine et les artilleurs
s'en méfient : ils craignent un manque de fiabilité.
Les troupes :
Le Général Knause, nommé le 2 Septembre 1944 comme commandant
de la Forteresse de Metz, organise les troupes disponibles.
La Fahnenjunker Regiment, composée des élèves officiers
de l'école de Metz est mise sur pied et sera affectée à
Driant. Elle sera secondée par un autre régiment crée
avec les élèves de l'Ecole des Sous-Officiers de la XIIème
Région militaire et un bataillon composé du personnel de l'Ecole
SS des transmissions.
Ces soldats, tous issus des écoles messines, se sont régulièrement
entrainés dans les Forts et connaissent bien les lieux. Certains sont
même des vérérans expérimentés du front
russe.
De plus des unités en retraite du front de l'Ouest sont intégrées
à la garnison du Fort. En particulier le 1010ème Régiment
de Sécurité et le 938ème Régiment d'Artillerie
Côtière.
L'attaque
coutera 64 tués, 547 blessés et 187 portés disparus.
(voir le détail jour par jour des batailles)
Le fort ne tombera qu'en décembre 44, les
allemands se rendant faute de nourriture.
Ci-dessus : vue aérienne du fort en 1944 par un avion de reconnaissance.
Ci dessous : une autre vue du fort. Cette photo est attribuée au général Patton lui même
Copie du rapport du Commandement Supérieur de la Défense des Places du groupe de Metz et adressé au Général Commandant Supérieur de la Défense
Daté du 4 Septembre 1928 et faisant part de l'état du "Groupe Fortifié DRIANT" -le vrai nom de l'ensemble appelé à tort Fort Driant.
Pour des raisons de commodité, c'est ce dernier nom qui est utilisé ici.
Pour
le défendre, le Fort Driant pouvait compter sur le Fort Jeanne d'Arc
(Feste Kaiserin) à l'Est de Gravelotte et sur le Fort Marival situé
de l'autre côté de la Mance.
Le ravin de la Mance, déja rendu célèbre
par des batailles de la guerre de 1870, était protégé
par les ouvrages de Bois la Dame.
Pièces réalisées
dans l'usine VDM installée dans le Fort Driand en 1943.
Ces pièces proviennent de fouilles et de recherches dans le Fort
Collection privée R.M.
Ci dessus :
Canon de 100 mm sur la
Batterie D du Fort
Ci contre :
Canon en action
Source ADFM
Avant 1918, il portait pour les français, le nom d'Ouvrages de Gorgimont.
Les allemands ont procédé
à une modification de renforcement de 1914 à 1916.
La mission de défense de la vallée de la Moselle était
plus particulièrement destinée à l'annexe du G.F. : la
Batterie Moselle située en contre-bas du Fort (2 canons de 105mm) ainsi
que du G.F Verdun (Feste Haeseler)