Ordonnance
Impériale du 4 Avril 1899 : Les travaux de fortifications, suite à
l'adoption d'un nouveau plan offensif à l'Ouest, ou plan Schliffen
(du nom du Chef d'Etat major de l'Armée allemande) sont accélérés
à un rythme nouveau. Ce plan prévoit que le front allemand de
la Suisse à Metz ne bouge pas mais que l'aile droite de l'armée
allemande doit être mobile, longer la Mer du Nord, se rabattre devant
Paris et faire tenaille en revenant vers le pivot central que représente
la ville de Metz.
C'est ce plan que suivront les allemands en 1914.
Autour de
la ville de Metz, va donc s'établir une grande ceinture défensive
extérieure dont les ouvrages se situent à 8 ou 10 km du centre
et parfois à 4 ou 5 km de la nouvelle frontière française
définie après la guerre de 1870. ce sera la deuxième
ceinture fortifiée de Metz.
Le périmètre total atteint le 70 km et les
allemands en profitent aussi pour détruire les anciennes fortifications
urbaines jugée désormais inutiles et dépassées.
Cette ceinture est continuellement améliorée
par des ouvrages nouveaux, des batteries, des réseaux de barbelés,
etc...
L'originalité est la création d'un nouveau
genre de fortification la "FESTE" à traduire par "Groupe
Fortifié".
Ce sont des éléments dispersés sur une surface importante et espacés de 100 à 200 m les uns des autres. Il s'agit d'un fort "éclaté" dont le plan général n'est pas apparent. Pour exemples : le Feste Kronprinz (Groupe Fortifié Driant) représente une surface totale de 223 hectares dont 142 pour le fort lui même ; Le Feste Kaiserin (G.F. Jeanne d'Arc) : 131 ha et le Feste Von Der Goltz ( G.F. La Marne) 205 ha.
Les
ouvrages sont reliés entre eux par des galeries souterraines (plus
de 11 m sous terre pour cetaines) afin de faciliter les déplacements
des renforts éventuels ainsi que la transmissions d'ordres du commandement.
De même, la forme du terrain reste naturelle : seuls
les toits affleurent à la surface du sol. Il n'y a pas de construction
faisant relief (sauf pour le Feste Haeseler-G.F. Verdun).
Les Festen sont organisées pour l'infanterie mais aussi et surtout pour l'artillerie lourde à actions lointaines avec la généralisation de batteries cuirassées : coupoles pour obusiers de 150 mm, coupoles pour canons courts (20 fois le calibre) ou longs (35 fois le calibre) de 100 mm ( voir chapitre les tourelles)
La garnison :
Elle
est logée dans des casernes appelées "de guerre" à
plusieurs niveaux. Les hommes dorment dans des hamacs dans des chambrées
chauffées et sèches grâce au chauffage central et chaque
caserne dispose dans les sous sols inférieurs de cuisines, d'une boulangerie,
d'une infirmerie (voire d'un hôpital), de sanitaires, de magasins à
vivres et à munitions, d'une salle des machines (groupes électrogènes
diesel pour l'électricité), de réservoirs d'eau, etc...
Ces casernes ont la toiture équipée de coupoles
de tir et le côté avant, côté probable des tirs
ennemis est enterré. L'arrière est ouvert sur une facade de
gorgeavec les ouvertures de prises d'air, les fenêtres, etc. Ces ouvertures
seront par la suite soit murées soit protégées par des
volets blindés. Des sorties en nombres, certaines camoufflées
(donc secrètes) sont réparties sur les différents niveaux
et permettent à la garnison de se mouvoir rapidement vers les points
menacés.
La garnison
jouit d'un confort remarquable et la visite de certains Fort comme celui de
Guentrange ou celui de Verny permet de comprendre la différence des
conditions de vie entre la troupe française et la troupe allemande
:
L'installation
sanitaire par exemple : l'eau était pompée à l'extérieur,
amenée par des canalisations souterraines et stockée
dans des citernes permettant
plusieurs mois d'utilisation. Cette eau était ensuite redistribuée
sous pression dans les différents ouvrages du Festen.
De même, l'électricité produite sur
place permettait l'éclairage de l'ensemble. Ce sont des dynamos en
série (parfois plus de 10) entrainées par des moteurs diesels
( 20à 40 cv) et parfois rassemblées dans une même batiment
qui fournissaient l'énergie nécessaire au fonctionnement des
différents moteurs.
La ventilation etait perfectionnée et les systèmes
soit manuels soit motorisés electriquement permettait un air frais
même sous conditions de guerre.
Les liaisons de communication entre les batiments eux même
et vers l'extérieur pour le commandement étaient soit assurées
par des réseaux téléphoniques ou télégraphiques
comportants les innovations les plus récentes.
La défense :
Ce sont, pour la défense propre des
Festen, des réseaux denses de barbelés et des grilles défensives
qui entourent des tranchées bétonnées. Le tout entourant
l'ensemble comme une ceinture. Les fossés ne possèdent qu'une
contrescarpe (mur extérieur d'un fossé, du côté
de la campagne), surmontée d'une grille. L'escarpe (mur intérieur
du fossé, du côté du fort) est un ensemble de talus
en terre au pied duquel se touve une nouvelle grille. L'intérieur du
fossé est garni de barbelés et se trouve dans la ligne de tir
d'armes automatiques ou non et placées dans des coffres de contrescarpe
(casemate de défense du fossé placée dans les angles
de la contrescarpe sous les terres du glacis de manière à échapper
aux vues et aux tirs ennemis ).
Un peu partout, des abris bétonnés, eux aussi,
pour la troupe forment ce que l'on appelle des piquets (détachement
chargé de monter la garde dans un poste avancé et se tenant
prêt à marcher au premier ordre).; des postes de guetteurs
dans des guérites blindées ou non, des observatoires sous coupelles
équipées de jumelles d'artillerie (ou de tranchées) ainsi
que des emplacements pour mitrailleuses complètent l'ensemble défensif
propre du groupe fortifié.
Les postes observatoires :
Les
postes d'observatoires sont également d'un genre nouveau : Ils sont
cuirassés et certains possèdent un dispositif tournant. Epais
de 16 à 18 cm, avec une garniture intérieure d'acier, ils possèdent
3 ouvertures en créneau dont deux sont réservées à
positionner un télémètre d'artillerie. Ces postes sont
du modèle 1887 dit "poste de commandement cuirassé"
(Kommandeurs Panzerbeobachtungsstand) ou alors implantés sur les toits
avec les batteries sous coupole dont ils sont chargés de diriger et
de rectifier les tirs (Panzerbeobachtungsstand).
Ces postes sont en acier dur (acier au nickel), relativement
spacieux et surtout équipés des derniers perfectionnements en
optique. Le plancher est réglable en hauteur et l'accès se fait
par le dessous à l'aide d'une échelle fixée au mur.
Il existe aussi des postes d'observatoires spécifiques
à l'infanterie : des cloches de guets placés sur les positions
destinées à l'infanterie et sur les abris de piquet.
Les tourelles des canons et obusiers :
La
tourelle du canon de 100 mm :
C'est une tourelle tournante. Son mécanisme est identique
à celui de l'obusier de 105 (ou de 150 mm selon les forts). Elle fait
partie d'un groupe de 2 à 6 pièces organisées en batterie.
Elle est en acier au nickel et pour un diamètre de 3,20 m il faut compter
un poids de 95 tonnes.
La coupole seule avait une épaisseur de 150 mm avec un doublage en
tôle de 40 mm pour un poids de 14,8 tonnes.
Elle disposait soit d'un canon modèle renforcé
car il dépassait de la coupole et du fait n'était pas à
l'abri des éclats, de 3,5 m de long ou d'un modèle plus court
de 2 m.
La portée est de 10 800m pour l'un et de 9 000 m
pour l'autre. Cette distance était bien sur variable en fonction du
type de projectile utilisé. Le canon court était
spécialisé dans le tir sur personnel en mouvement et disposait
d'obus à balles (Schrapnell) et en dotation disposait de plus de 3000
obus par tourelle.
La cadence de tir prévue était de 9 coups
à la minute.
Un projectile pesait entre 16 et 18,5 kg selon le modèle.
Une tourelle était servie par 3 effectifs se relayant.
Chacun d'eux comportait 1 officier artilleur, 9 sous-officiers et 43 artilleurs.
Les canons des différents forts pouvaient tirer sur
les forts avoisinants en cas de conquète par l'ennemi et formaient
un ensemble défensif cohérent (voir rôles de chacun des
forts).
La
tourelle pour obusier de 150 mm canon court :
Fabriquée selon 3 modèles par l'armurier Krupp.
Les modèles 93 et 95, d'un poids de 63 tonnes sont équipés
d'un canon (tube = 1130 kg). Le modèle appelé "leicht"
(léger) pesait 43 tonnes.
La coupole seule avait une épaisseur de 150 mm et
un doublage en tôle de 40 mm pour un poids de 6,7 tonnes.
Ces tourelles vont toujours par paires avec un minimum
de 2 pièces.
La coupole mesure 2,40 m de diamètre et le canon
ne dépassait pas. Un mécanisme de pointage la soulevait légèrement
et la rotation puis le tir étaient alors possibles. Le canon ne disposait
pas de dispositif de frein et c'est toute la tourelle qui encaissait le recul
du tir.
La portée maximale était de 7200 m et le tube s'inclinait
de 5° à 42°.
La cadence de tir normale est de 2 coups par minutes mais
pouvait être doublée en cas de nécessité.
La dotation était de 2000 coups par obusier.
L'effectif était de 3 équipes en relai et
comportait 1 officier, 9 sous-officiers et 35 artilleurs.
Il s'agissait de tirs courbes destinés à une bataille d'artillerie
ou de tir sur les voies de communication avec une prédilection pour
les ravins de la région. Ravins déja rendus célèbres
par la guerre de 1870.
A Gauche : plan
en coupe de la tourelle Modèle 08
Ci dessus : en vue de dessus
En dessous à gauche : l'ensemble de la batterie en coupe
Rôles des Festen
de la 1ère série achevée en 1905 :
Du Nord au Sud de Metz :
Festen
Lothringen (G.F. Lorraine) : 6 obusiers de 150 mm et 6 canons
longs de 100 mm.
4 compagnies d'Infanterie y sont affectées
pour sa défense, en plus des artilleurs.
Situé sur les hauteurs de Saulny, il
défend le front Nord-ouest de la 1ère ceinture des forts. Il
tient sous ses feux la voie ferrée Verdun-Metz par Amanvillers
ainsi que la route de Briey-Metz.
Festen
Kaiserin (G.F. Jeanne d'Arc) : 6 obusiers de 150 mm et 6 canons
longs de 100 mm.
4 compagnies d'Infanterie
Il maîtrise la route Verdun-Metz. Pour
information, il est construit à l'endroit exact de la bataille de Gravelotte
le 18 Aout 1870
Festen
Kronprinz (G.F. Driant) : 6 obusiers de 150 mm, 3 canons courts
de 100 mm et 5 canons longs de 100 mm.
4 compagnies d'Infanterie
La vallée Sud de la Moselle ainsi
que le ravin de la Mance (affluent de la Moselle) sont en ligne de mire ainsi
que la voie ferrée de Nancy-Metz.
Festen
Haeseler (G.F. Verdun) : 4 obusiers de 150 mm, 6 canons courts
de 100 mm.
2 compagnies d'Infanterie
Situé sur la rive droite de la Moselle
au Sud de Metz (entre les villages d'Augny et de Corny). Il est construit
au sommet de deux collines : le fort Sommy pour
l'une et le Fort St Blaise pour l'autre.
Pour information : C'est le Kaiser (empereur)
Guillaume II lui même, qui a posé la 1ère pierre du St
Blaise le 9 Mai 1899.
Il est complémentaire de Kronprinz avec
les même ojectifs : vallée Sud Moselle et voie ferrée
Nancy-Metz
Mais aussi...pour compléter le dispositif.
En
plus des constructions fixes, dès 1e début de l'annexion de
la Lorraine, les allemands ont aménagé aux endroits jugés
stratégiques des emplacements pour pièces d'artillerie mobiles.
Ces canons étaient montés sur affut blindé.
Il avait un calibre de 150 mm et pouvaient se déplacer soit sur route
soit sur chemin de fer. D'une portée de 15000 m,
ils tiraient des obus explosifs ou à balles.
4 batteries de 2 canons chacune étaient stationnées à
Metz et formaient "l'artillerie semi-mobile de puissance" de la
place.
Pour leur éventuelle installation, il avait été
crée une douzaine d'emplacements possibles dans la 2ème ceinture
défensive . ces canons se déplacaient à la demande en
fonction de besoins éventuels.
Ces canons quittent la ville en 1914 pour rejoindre le front.
A signaler aussi : les dépots de munitions sont installés à l'abri, souvent dans les bois, à proximités des Festen. Toute une infrastructure de routes et même de voies ferrées est crée afin de desservir sans problème les différents ouvrages. Toutes ces constructions militaires étaient en communication les unes avec les autres grâce à un réseau téléphonique sans précédent. Le central général de communication se trouvait dans une casemate en pleine ville à proximité de ce qu'est aujourd'hui l'Hôpital Belle Ile.
Après 1905 :
Les
allemands se réveillent à nouveau et commence alors sur tout
le périmètre de défense de Metz une série de constructions
nouvelles : les intervalles existants entre les 3 Festen sont réorganisés
et la ceinture s'étend rive droite. Des nouveautés apparaissent
par rapport aux Festen de 1899.
Rive gauche :
Festen Lothringen (G.F. Lorraine) : Le fort est
totalement inéfficace vers l'Ouest direction Vallée de Montvaux
et Amanvillers et vers le Nord dans le sens de la vallée de Bronvaux.
Dès 1904 2 positions avancées sont construites :
- Les ouvrages de Wolfsberg (Kellermann
pour les français) au Sud d'une capacité de 2 bataillons répartis
sur deux casernes bétonnées équipées d'observatoires
ainsi que des poudrières
en arrière de ces casernes.
- Les ouvrages de Vémont (Richepance)
qui est un simple parapet pour l'infanterie.
Festen Leipzig (G.F. François de Guise) : est construit entre Kaiserin et Lothringen. Il permet une action direction Amanvillers et surtout de réduire la distance entre les deux ouvrages. Il s'agit d'un modèle simplifié de Festen et il reçoit les 2 canons de 100 mm démontés pour remplacement de la Batterie Moselle de Driant
Le front Sud-Ouest entre Kronprinz et Kaiserin est également
enrichi. Dans le bois de Vaux un ensemble de 7 ouvrages bétonnés
(que les américains en 1944 baptiseront les 7 nains) sortent de terre.
Il s'agit de :
-
Marival (le plus important) : ouvrage en partie intégré
aux rochers naturels et armé de 2 canons de 77 mm, de coffre à
2 niveaux de créneaux pour mitrailleuses et d'une casemate avec 2 autres
mitailleuses dont le tir pointe vers Kronprinz
-
Vaux Sud ; Vaux Nord ; Bois la Dame ; Jussy Sud ; Jussy Nord et Saint Hubert.
Rive
droite : En plus de Festen Haeseler, les allemands construisent des
ouvrages similaires à ceux de la rive gauche : ligne de batteries avancées
et ligne de Festen (le tout créant un doublon). Normalement les lignes
de crête de la vallée de la Nied seraient l'idéal, mais
le manque de troupes d'infanterie pour occuper ces fortifications fait que
seul 4 batteries avancées constituent la défense de la Nied
et que la ligne des Festen est avancée à 6/10 km de la ville
de Metz
Festen Von der Goltz (G.F. La Marne) au Nord construit de 1907 à
1916 (arrêt des travaux, ouvrages non terminés)
Festen Luitpold (G.F. L'yser) commencé en 1907
Festen
Wagner (G.F. l'Aisne) au sud commencé en 1904
Le groupe fortifié Malroy ne sera pas construit.
Il devait "fermer" la ceinture. Manque de moyens financiers ? Manque
de temps ? La guerre de 1914 est déclarée et rien ne sort de
terre.
Les nouveautés
:
Les constructions sont alignés le long des crêtes
et forment un front continu. Le béton armé est utilisé
en abondance et remplace les facades en maçonneries en pierre de taille
qui commencent d'ailleurs à manquer.
Des casemates de flanquement (voir ci-dessous) armées
de 2 canons de 77 mm sont construites.
A côté de la casemate principale on installe
un projecteur et un observatoire blindé d'artillerie.
Des galeries dites de contremines sont placées en
avant des ouvrages (les coffres)
Les centrales électriques deviennent des bâtiment
indépendants enterrés
Un P.C. observatoire est construit sur le G.F. Marne. C'est
ce genre de construction qui équipera les forts de la future Ligne
Maginot.
Les
coffres de contrescarpe:
Pour compléter les réseaux
de barbelés et les fossés, il a été construit
des coffres de contrescarpe (casemates de défense du fossé souvent
placées dans les angles et enterrées afin d'échapper
aux tirs ennemis).
Les plus simples sont au Fort Driant, les plus complexes
et les plus élaborés sont à Guentrange. Ils sont surmontés
d'une cloche blindée et équipés d'un projecteur téléscopique.
Ils sont armés de canons de 53 mm
à tir rapide tirant des obus à grenailles ou à balles
ou alors le canon est remplacé par une mitrailleuse (Maxim). De plus,
ils disposent de créneaux pour le tir d'armes individuelles d'infanterie.
Ils sont reliés par galeries souterrainesavec
les autres ouvrages et possédent des issus de secours camouflées.
Le créneaux sont eux même protégés
par des fossés (fossés diamant) Leur rôle était
d'empêcher les ennemis de s'approcher des embrasures des armes et de
recueillir les débris du bloc en cas d'attaque afin que ceux-ci ne
bloquent pas les embrasures de tir. Son nom est issu de sa forme pointue comme
celle du diamant. En prime, le fossé était surmonté vers
l'avant de grilles quasi horizontales pour la défense proche.
Les
casemates de flanquement :
Si le rôle de la casemate
principale est de faire face à l'ennemi, celui de la casemate de flanquement
est de tirer sur les flancs de celui-ci. Il existaitent donc deux types de
flanquement : celui de droite et celui de gauche. Elles étaient armées
soit de canons de 77 mm soit de mitrailleuses.
Vue de la facade principale et de la cour du 2ème Fort voisin de Driant : le Fort de Plappeville
A noter que ce Fort fait partie de la 1ère ceinture de défense de Metz
Photo
de 1918
Source ADFM