Vue du casernement principal du Fort Jeanne d'Arc (Feste Kaiserin)
Le groupe fortifié de soutien en artillerie du Fort Driant
          Photo de 1918    
                          Source ADFM
En annexe au Groupe Fortifié DRIANT : une étude sur les "FESTEN" de 1899 à 1914
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   Ordonnance Impériale du 4 Avril 1899 : Les travaux de fortifications, suite à l'adoption d'un nouveau plan offensif à l'Ouest, ou plan Schliffen (du nom du Chef d'Etat major de l'Armée allemande) sont accélérés à un rythme nouveau. Ce plan prévoit que le front allemand de la Suisse à Metz ne bouge pas mais que l'aile droite de l'armée allemande doit être mobile, longer la Mer du Nord, se rabattre devant Paris et faire tenaille en revenant vers le pivot central que représente la ville de Metz.
C'est ce plan que suivront les allemands en 1914.

  Autour de la ville de Metz, va donc s'établir une grande ceinture défensive extérieure dont les ouvrages se situent à 8 ou 10 km du centre et parfois à 4 ou 5 km de la nouvelle frontière française définie après la guerre de 1870. ce sera la deuxième ceinture fortifiée de Metz.
   Le périmètre total atteint le 70 km et les allemands en profitent aussi pour détruire les anciennes fortifications urbaines jugée désormais inutiles et dépassées.
   Cette ceinture est continuellement améliorée par des ouvrages nouveaux, des batteries, des réseaux de barbelés, etc...
   L'originalité est la création d'un nouveau genre de fortification la "FESTE" à traduire par "Groupe Fortifié".

   Ce sont des éléments dispersés sur une surface importante et espacés de 100 à 200 m les uns des autres. Il s'agit d'un fort "éclaté" dont le plan général n'est pas apparent. Pour exemples : le Feste Kronprinz (Groupe Fortifié Driant) représente une surface totale de 223 hectares dont 142 pour le fort lui même ; Le Feste Kaiserin (G.F. Jeanne d'Arc) : 131 ha et le Feste Von Der Goltz ( G.F. La Marne) 205 ha.

   Les ouvrages sont reliés entre eux par des galeries souterraines (plus de 11 m sous terre pour cetaines) afin de faciliter les déplacements des renforts éventuels ainsi que la transmissions d'ordres du commandement.
   De même, la forme du terrain reste naturelle : seuls les toits affleurent à la surface du sol. Il n'y a pas de construction faisant relief (sauf pour le Feste Haeseler-G.F. Verdun).

   Les Festen sont organisées pour l'infanterie mais aussi et surtout pour l'artillerie lourde à actions lointaines avec la généralisation de batteries cuirassées : coupoles pour obusiers de 150 mm, coupoles pour canons courts (20 fois le calibre) ou longs (35 fois le calibre) de 100 mm ( voir chapitre les tourelles)

 

La garnison :   

   Elle est logée dans des casernes appelées "de guerre" à plusieurs niveaux. Les hommes dorment dans des hamacs dans des chambrées chauffées et sèches grâce au chauffage central et chaque caserne dispose dans les sous sols inférieurs de cuisines, d'une boulangerie, d'une infirmerie (voire d'un hôpital), de sanitaires, de magasins à vivres et à munitions, d'une salle des machines (groupes électrogènes diesel pour l'électricité), de réservoirs d'eau, etc...
   Ces casernes ont la toiture équipée de coupoles de tir et le côté avant, côté probable des tirs ennemis est enterré. L'arrière est ouvert sur une facade de gorgeavec les ouvertures de prises d'air, les fenêtres, etc. Ces ouvertures seront par la suite soit murées soit protégées par des volets blindés. Des sorties en nombres, certaines camoufflées (donc secrètes) sont réparties sur les différents niveaux et permettent à la garnison de se mouvoir rapidement vers les points menacés
.

   La garnison jouit d'un confort remarquable et la visite de certains Fort comme celui de Guentrange ou celui de Verny permet de comprendre la différence des conditions de vie entre la troupe française et la troupe allemande :

   L'installation sanitaire par exemple : l'eau était pompée à l'extérieur, amenée par des canalisations souterraines et stockée dans des citernes permettant plusieurs mois d'utilisation. Cette eau était ensuite redistribuée sous pression dans les différents ouvrages du Festen.
   De même, l'électricité produite sur place permettait l'éclairage de l'ensemble. Ce sont des dynamos en série (parfois plus de 10) entrainées par des moteurs diesels ( 20à 40 cv) et parfois rassemblées dans une même batiment qui fournissaient l'énergie nécessaire au fonctionnement des différents moteurs.
   La ventilation etait perfectionnée et les systèmes soit manuels soit motorisés electriquement permettait un air frais même sous conditions de guerre.
   Les liaisons de communication entre les batiments eux même et vers l'extérieur pour le commandement étaient soit assurées par des réseaux téléphoniques ou télégraphiques comportants les innovations les plus récentes.

La défense :

   Ce sont, pour la défense propre des Festen, des réseaux denses de barbelés et des grilles défensives qui entourent des tranchées bétonnées. Le tout entourant l'ensemble comme une ceinture. Les fossés ne possèdent qu'une contrescarpe (mur extérieur d'un fossé, du côté de la campagne), surmontée d'une grille. L'escarpe (mur intérieur du fossé, du côté du fort) est un ensemble de talus en terre au pied duquel se touve une nouvelle grille. L'intérieur du fossé est garni de barbelés et se trouve dans la ligne de tir d'armes automatiques ou non et placées dans des coffres de contrescarpe (casemate de défense du fossé placée dans les angles de la contrescarpe sous les terres du glacis de manière à échapper aux vues et aux tirs ennemis ).
   Un peu partout, des abris bétonnés, eux aussi, pour la troupe forment ce que l'on appelle des piquets (détachement chargé de monter la garde dans un poste avancé et se tenant prêt à marcher au premier ordre).; des postes de guetteurs dans des guérites blindées ou non, des observatoires sous coupelles équipées de jumelles d'artillerie (ou de tranchées) ainsi que des emplacements pour mitrailleuses complètent l'ensemble défensif propre du groupe fortifié.

Les postes observatoires :

   Les postes d'observatoires sont également d'un genre nouveau : Ils sont cuirassés et certains possèdent un dispositif tournant. Epais de 16 à 18 cm, avec une garniture intérieure d'acier, ils possèdent 3 ouvertures en créneau dont deux sont réservées à positionner un télémètre d'artillerie. Ces postes sont du modèle 1887 dit "poste de commandement cuirassé" (Kommandeurs Panzerbeobachtungsstand) ou alors implantés sur les toits avec les batteries sous coupole dont ils sont chargés de diriger et de rectifier les tirs (Panzerbeobachtungsstand).
   Ces postes sont en acier dur (acier au nickel), relativement spacieux et surtout équipés des derniers perfectionnements en optique. Le plancher est réglable en hauteur et l'accès se fait par le dessous à l'aide d'une échelle fixée au mur.
   Il existe aussi des postes d'observatoires spécifiques à l'infanterie : des cloches de guets placés sur les positions destinées à l'infanterie et sur les abris de piquet.

Les tourelles des canons et obusiers :

   La tourelle du canon de 100 mm :
   C'est une tourelle tournante. Son mécanisme est identique à celui de l'obusier de 105 (ou de 150 mm selon les forts). Elle fait partie d'un groupe de 2 à 6 pièces organisées en batterie. Elle est en acier au nickel et pour un diamètre de 3,20 m il faut compter un poids de 95 tonnes.
La coupole seule avait une épaisseur de 150 mm avec un doublage en tôle de 40 mm pour un poids de 14,8 tonnes.
   Elle disposait soit d'un canon modèle renforcé car il dépassait de la coupole et du fait n'était pas à l'abri des éclats, de 3,5 m de long ou d'un modèle plus court de 2 m.
   La portée est de 10 800m pour l'un et de 9 000 m pour l'autre. Cette distance était bien sur variable en fonction du type de projectile utilisé.    Le canon court était spécialisé dans le tir sur personnel en mouvement et disposait d'obus à balles (Schrapnell) et en dotation disposait de plus de 3000 obus par tourelle.
   La cadence de tir prévue était de 9 coups à la minute.
   Un projectile pesait entre 16 et 18,5 kg selon le modèle.
  Une tourelle était servie par 3 effectifs se relayant. Chacun d'eux comportait 1 officier artilleur, 9 sous-officiers et 43 artilleurs.
   Les canons des différents forts pouvaient tirer sur les forts avoisinants en cas de conquète par l'ennemi et formaient un ensemble défensif cohérent (voir rôles de chacun des forts).

   La tourelle pour obusier de 150 mm canon court :
   Fabriquée selon 3 modèles par l'armurier Krupp. Les modèles 93 et 95, d'un poids de 63 tonnes sont équipés d'un canon (tube = 1130 kg). Le modèle appelé "leicht" (léger) pesait 43 tonnes.
   La coupole seule avait une épaisseur de 150 mm et un doublage en tôle de 40 mm pour un poids de 6,7 tonnes.
    Ces tourelles vont toujours par paires avec un minimum de 2 pièces.
    La coupole mesure 2,40 m de diamètre et le canon ne dépassait pas. Un mécanisme de pointage la soulevait légèrement et la rotation puis le tir étaient alors possibles. Le canon ne disposait pas de dispositif de frein et c'est toute la tourelle qui encaissait le recul du tir.
   La portée maximale était de 7200 m et le tube s'inclinait de 5° à 42°.
   La cadence de tir normale est de 2 coups par minutes mais pouvait être doublée en cas de nécessité.  
   La dotation était de 2000 coups par obusier.   
   L'effectif était de 3 équipes en relai et comportait 1 officier, 9 sous-officiers et 35 artilleurs.
   
Il s'agissait de tirs courbes destinés à une bataille d'artillerie ou de tir sur les voies de communication avec une prédilection pour les ravins de la région. Ravins déja rendus célèbres par la guerre de 1870.
  

A Gauche : plan en coupe de la tourelle Modèle 08

Ci dessus : en vue de dessus

En dessous à gauche : l'ensemble de la batterie en coupe

Rôles des Festen de la 1ère série achevée en 1905 :

   Du Nord au Sud de Metz :

      Festen Lothringen (G.F. Lorraine) : 6 obusiers de 150 mm et 6 canons longs de 100 mm.
      4 compagnies d'Infanterie y sont affectées pour sa défense, en plus des artilleurs.
     Situé sur les hauteurs de Saulny, il défend le front Nord-ouest de la 1ère ceinture des forts. Il tient sous ses feux la voie ferrée Verdun-Metz par     Amanvillers ainsi que la route de Briey-Metz.

      
Festen Kaiserin (G.F. Jeanne d'Arc) : 6 obusiers de 150 mm et 6 canons longs de 100 mm.
      4 compagnies d'Infanterie
     Il maîtrise la route Verdun-Metz. Pour information, il est construit à l'endroit exact de la bataille de Gravelotte le 18 Aout 1870

     Festen Kronprinz (G.F. Driant) : 6 obusiers de 150 mm, 3 canons courts de 100 mm et 5 canons longs de 100 mm.
      4 compagnies d'Infanterie
      La vallée Sud de la Moselle ainsi que le ravin de la Mance (affluent de la Moselle) sont en ligne de mire ainsi que la voie ferrée de Nancy-Metz.
      
     
Festen Haeseler (G.F. Verdun) : 4 obusiers de 150 mm, 6 canons courts de 100 mm.
     2 compagnies d'Infanterie
     Situé sur la rive droite de la Moselle au Sud de Metz (entre les villages d'Augny et de Corny). Il est construit au sommet de deux collines : le fort      Sommy pour l'une et le Fort St Blaise pour l'autre.
     Pour information : C'est le Kaiser (empereur) Guillaume II lui même, qui a posé la 1ère pierre du St Blaise le 9 Mai 1899.
     Il est complémentaire de Kronprinz avec les même ojectifs : vallée Sud Moselle et voie ferrée Nancy-Metz

Exemple de fossé "diamant" protégeant les ouvertures de tirs

Mais aussi...pour compléter le dispositif.

   En plus des constructions fixes, dès 1e début de l'annexion de la Lorraine, les allemands ont aménagé aux endroits jugés stratégiques des emplacements pour pièces d'artillerie mobiles.
   Ces canons étaient montés sur affut blindé. Il avait un calibre de 150 mm et pouvaient se déplacer soit sur route soit sur chemin de fer.    D'une portée de 15000 m, ils tiraient des obus explosifs ou à balles.
4 batteries de 2 canons chacune étaient stationnées à Metz et formaient "l'artillerie semi-mobile de puissance" de la place.
   Pour leur éventuelle installation, il avait été crée une douzaine d'emplacements possibles dans la 2ème ceinture défensive . ces canons se déplacaient à la demande en fonction de besoins éventuels.
   Ces canons quittent la ville en 1914 pour rejoindre le front.

A signaler aussi : les dépots de munitions sont installés à l'abri, souvent dans les bois, à proximités des Festen. Toute une infrastructure de routes et même de voies ferrées est crée afin de desservir sans problème les différents ouvrages. Toutes ces constructions militaires étaient en communication les unes avec les autres grâce à un réseau téléphonique sans précédent. Le central général de communication se trouvait dans une casemate en pleine ville à proximité de ce qu'est aujourd'hui l'Hôpital Belle Ile.

Après 1905 :

   Les allemands se réveillent à nouveau et commence alors sur tout le périmètre de défense de Metz une série de constructions nouvelles : les intervalles existants entre les 3 Festen sont réorganisés et la ceinture s'étend rive droite. Des nouveautés apparaissent par rapport aux Festen de 1899.

    Rive gauche :
    Festen Lothringen (G.F. Lorraine) : Le fort est totalement inéfficace vers l'Ouest direction Vallée de Montvaux et Amanvillers et vers le Nord dans le sens de la vallée de Bronvaux. Dès 1904 2 positions avancées sont construites :
      - Les ouvrages de Wolfsberg (Kellermann pour les français) au Sud d'une capacité de 2 bataillons répartis sur deux casernes bétonnées équipées d'observatoires ainsi que des          poudrières en arrière de ces casernes.
      - Les ouvrages de Vémont (Richepance) qui est un simple parapet pour l'infanterie.

    Festen Leipzig (G.F. François de Guise) : est construit entre Kaiserin et Lothringen. Il permet une action direction Amanvillers et surtout de réduire la distance entre les deux ouvrages. Il s'agit d'un modèle simplifié de Festen et il reçoit les 2 canons de 100 mm démontés pour remplacement de la Batterie Moselle de Driant

    Le front Sud-Ouest entre Kronprinz et Kaiserin est également enrichi. Dans le bois de Vaux un ensemble de 7 ouvrages bétonnés (que les américains en 1944 baptiseront les 7 nains) sortent de terre. Il s'agit de :
                - Marival (le plus important) : ouvrage en partie intégré aux rochers naturels et armé de 2 canons de 77 mm, de coffre à 2 niveaux de créneaux pour mitrailleuses et d'une casemate avec 2 autres mitailleuses dont le tir pointe vers Kronprinz
                - Vaux Sud ; Vaux Nord ; Bois la Dame ; Jussy Sud ; Jussy Nord et Saint Hubert.

    Rive droite : En plus de Festen Haeseler, les allemands construisent des ouvrages similaires à ceux de la rive gauche : ligne de batteries avancées et ligne de Festen (le tout créant un doublon). Normalement les lignes de crête de la vallée de la Nied seraient l'idéal, mais le manque de troupes d'infanterie pour occuper ces fortifications fait que seul 4 batteries avancées constituent la défense de la Nied et que la ligne des Festen est avancée à 6/10 km de la ville de Metz
              
   
Festen Von der Goltz (G.F. La Marne) au Nord construit de 1907 à 1916 (arrêt des travaux, ouvrages non terminés)

    Festen Luitpold (G.F. L'yser) commencé en 1907

    Festen Wagner (G.F. l'Aisne) au sud  commencé en 1904
    
    Le groupe fortifié Malroy ne sera pas construit. Il devait "fermer" la ceinture. Manque de moyens financiers ? Manque de temps ? La guerre de 1914 est déclarée et rien ne sort de terre.

Les nouveautés :
    Les constructions sont alignés le long des crêtes et forment un front continu. Le béton armé est utilisé en abondance et remplace les facades en maçonneries en pierre de taille qui commencent d'ailleurs à manquer.
   Des casemates de flanquement (voir ci-dessous) armées de 2 canons de 77 mm sont construites.
   A côté de la casemate principale on installe un projecteur et un observatoire blindé d'artillerie.
   Des galeries dites de contremines sont placées en avant des ouvrages (les coffres)
   Les centrales électriques deviennent des bâtiment indépendants enterrés
   Un P.C. observatoire est construit sur le G.F. Marne. C'est ce genre de construction qui équipera les forts de la future Ligne Maginot.

 

   Les coffres de contrescarpe:
   Pour compléter les réseaux de barbelés et les fossés, il a été construit des coffres de contrescarpe (casemates de défense du fossé souvent placées dans les angles et enterrées afin d'échapper aux tirs ennemis).
    Les plus simples sont au Fort Driant, les plus complexes et les plus élaborés sont à Guentrange. Ils sont surmontés d'une cloche blindée et équipés d'un projecteur téléscopique.

   Ils sont armés de canons de 53 mm à tir rapide tirant des obus à grenailles ou à balles ou alors le canon est remplacé par une mitrailleuse (Maxim). De plus, ils disposent de créneaux pour le tir d'armes individuelles d'infanterie.
    Ils sont reliés par galeries souterrainesavec les autres ouvrages et possédent des issus de secours camouflées.
    Le créneaux sont eux même protégés par des fossés (fossés diamant) Leur rôle était d'empêcher les ennemis de s'approcher des embrasures des armes et de recueillir les débris du bloc en cas d'attaque afin que ceux-ci ne bloquent pas les embrasures de tir. Son nom est issu de sa forme pointue comme celle du diamant. En prime, le fossé était surmonté vers l'avant de grilles quasi horizontales pour la défense proche.

   Les casemates de flanquement :
     Si le rôle de la casemate principale est de faire face à l'ennemi, celui de la casemate de flanquement est de tirer sur les flancs de celui-ci. Il existaitent donc deux types de flanquement : celui de droite et celui de gauche. Elles étaient armées soit de canons de 77 mm soit de mitrailleuses.

Vue de la facade principale et de la cour du 2ème Fort voisin de Driant : le Fort de Plappeville

A noter que ce Fort fait partie de la 1ère ceinture de défense de Metz

           Photo de 1918    
                          Source ADFM

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