Arnaville, la libération.
By thanksGIspar JF Genet d’après un interview de Mr Eugène Dupont commentant les carnets de son père , Paul Dupont.
Nous ne reprendrons pas, ici, l’histoire de la tête de pont vécue par les troupes US, qui est décrite par ailleurs, mais la vie des habitants du village.
Paul Dupont, régisseur de la propriété Hellé, indique dans le journal qu’il tient méticuleusement tout au long de cette période, que les troupes allemandes refluent en masse depuis les derniers jours d’Août et traversent continuellement le village. La population est apeurée et, le soir venu, se réfugie dans des caves. Celles de la propriété dont il a la charge, et qui sont parmi les plus grandes et les plus profondes, abritent plus de 100 personnes. Une autre propriété, le château Braconnier en abrite presque autant.
1er septembre: les Allemands réquisitionnent des cultivateurs pour transporter du matériel vers Novéant. Un de ceux-ci, Mr Welsch, refuse d’aller plus loin que la gare : il est abattu sur place. Le soir les hommes sont rassemblés dans la salle d’oeuvre et libérés au matin. Ceci se reproduira pendant six jours. Entre-temps les Allemands font sauter les ponts de la vallée du Rupt-de-Mad, et l’aviation américaine harcèle les convois. L’armée allemandes continuent de battre en retraite. Pour cela, même les vélos sont réquisitionnés; seize de ceux-ci sont trouvés et remis aux troupes en fuite.
3 septembre: une arche du viaduc, à côté de chez Cailloux, est dynamitée. La gare de Pagny-sur-Moselle est aussi démolie
4 septembre: on apprend que les habitants de Novéant et des autres villages plus au nord, sont évacués vers Metz, mais certains préfèrent venir à Arnaville par le « Haut-Chemin ». Vers 18h, un groupe de FFI mène une action vers la gare, un membre de ceux-ci est tué au niveau du café Adam. Les Allemands sont furieux et parcourent le village à la recherche d’éventuels « terroristes ». La panique et l’énervement se font sentir. C’est dans ces conditions que le jeune Navel aidant ses parents aux champs perd la vie. Des bruits circulent que les américains ne sont plus loin
Photo : Le viaduc est endommagé
5 septembre: comme tous les matins depuis le 1 septembre, les hommes retenus à la salle d’oeuvre sont libérés. Durant cette journée une arche du viaduc saute, les arbres de la route de Bayonville sont abattus ,un ouvrage SNCF et le pont sur le Rupt-de-Mad sont détruits. Les caves abritent ce soir là 103 personnes!
6 septembre: en milieu de matinée, une forte patrouille américaine apparaît et descend le village sans rencontrer d’opposition puisque les Allemands ont fui dans la nuit. Alors que les Américains stationnent dans le bas du village, une pluie d’obus, tirée depuis la côte opposée prend la rue en enfilade, obligeant les GIs à refluer.
Photo : Le pont du Rupt de Mad
7 septembre: le village subit un nouveau bombardement. Les « boches » réinvestissent le village et cherchent à connaître les habitants ayant manifesté leur joie à la vue des GIs. Les Arnavillois n’en mênent pas large. Les Allemands annoncent qu’ils vont faire sauter le village , en réalité seules deux ou trois maisons à proximité de la mairie sont dynamitées afin d’obstruer la route, mais tout le village est miné. Voici donc Arnaville au centre d’un champ de bataille. Ce sont ces jours là que les caves de la propriété Héllé recueillent le plus de monde (110 personnes y sont recensées)
Photo : les maisons détruites
8 septembre: les troupes allemandes abandonnent le village dès six heures du matin. Les civils commencent à déblayer les maisons effondrées la veille. En après
midi, les américains arrivent! Une véritable armée dévale le village. Jeep, half-track, blindés ainsi que des engins de terrassements qui rouvrent la route et créent des passages sur le Rupt-de-Mad. Dans l’enthousiasme qui suit ces moments d’exaltation, les civils perdent de leur vigilance, c’est ainsi que trois arnavillois sont blessés par des mines. On les évacue vers un hôpital de campagne américain mais deux d’entre-eux y décèdent.
Ici il faut mettre en valeur un fait exceptionnel, pendant tous ces jours, un poste de secours est mis en place et tenu jour et nuit. Créé quelques années auparavant par Mlle Aweng, le groupe des secouristes d’Arnaville fort d’une dizaine de personnes porte assistance aux blessés, relève les morts. Ils resteront en alerte jusque fin novembre!
Photo : les chars arrivent
9 septembre: devant la situation, on commence à évacuer quelques femmes et enfants vers Bayonville avec le concours de la voiture de Mr Quack, commerçant du village. Au loin on entend les tirs de la bataille de Dornot, sans prendre conscience du drame qui s’y joue. On sent bien tout de même que les américains préparent un gros coup. Des obus tombent encore une fois en début d’après-midi..
10 septembre: dans la nuit , les Américains ont réussi à prendre pied sur la rive opposée de la Moselle. Au matin, la grande attaque est lancée. La vallée est sous un brouillard artificiel., moyen utilisé pour la première fois au cours d’un confli. Un pont de bateaux est lancé sur la Moselle. Des blindés réussissent à traverser à gué. Pour midi, les américains sont sur les hauteurs de la rive opposée après de furieux combats. L’aviation américaine intervient aussi. Les troupes US continuent de défiler dans le village toujours soumis aux tirs de l’artillerie allemande qui tient encore Arry. La population se terre. Mr Quack continue d’évacuer des femmes et des enfants. L’artillerie lourde américaine installée à l’arrière du village pilonne sans cesse les côtes de la rive opposée.
11/12/13 septembre: complètement fou, impensable! Près de cinq cents civils en pleine bataille! Sans arrêt sous le feu des Allemands qui pilonnent depuis les forts Driant, St Blaise et la vallée de la basse-Seille. Les conséquences sont là: trois sont hommes tués (Mrs Dillon, Boudas et le GIs Nacyant) et deux autres personnes grièvement blessés (Mme Lurquin et Mr Bouvier). De plus dans une telle situation deux femmes décèdent des suites de maladies malgré la bonne volonté des secouristes qui ne peuvent plus assurer les soins.
14/15/16 septembre: le feu des allemands se calme un peu, en effet, repoussés par les Américains qui sont parvenus à prendre Arry, supprimant par là un splendide observatoire sur le village, ils sont obligés de se retirer vers la Seille. A partir du 16 la tête de pont d’Arnaville est assurée, bien que Corny et les forts de la ceinture de Metz soient encore aux mains de l’ennemi .Les obus tombent encore, surtout sur la Moselle pour démolir les ponts mis en place et par intermittence sur le village. Pendant tous ces jours les habitants prennent conscience de l’énorme sacrifice effectué par les Américains car des camions chargés à ras-bord de cadavres, «placés tête bêche et ligotés comme des fagots» remontent le village.
Octobre: malgré son nom, la pose d’octobre n’en fût pas une pour les Arnavillois.Pas un jour ou les obus ne tombent. Les précautions restent de mise et nombreux sont les habitants qui dorment encore à la cave. La pluie tombe sans discontinuer, des inondations submergent le bas du village.
Novembre: avec la reprise de l’offensive sur la Seille (Sillegny , Pournoy,..) les tirs allemands reprennent de plus belle…. Encore des morts à déplorer (Mme Curique et Mr Laurent) ainsi que de nombreux blessés. Ce n’est qu’une fois, les forts St Blaise (26 nov) et Driant (8 déc) tombés que la vie peut reprendre normalement.
Photos : Les GIs sont très entourrés
les inondations dans le bas du village
Crédit photographique: Marcel Quack/Eugène Dupont/archives US`
Autres sources documentaires:
Nos Villages Lorrains – pages 1027 / 7707
- H. Lefevre / E. Dupont
De la Meuse à la Moselle
- Dr Pierre Mangin – p 451 à 460
La bataille de Metz
- René Caboz – p 247 à 318